PROFIL ET PISTES DE SOLUTION DE LA PROBLEMATIQUE DE LA DELINQUANCE JUVENILE EN RDC.
PROFIL ET PISTES DE SOLUTION DE LA PROBLEMATIQUE DE LA DELINQUANCE JUVENILE EN RDC.
1. PREAMBULE
La Sainte Bible nous apprend qu’après avoir crée le ciel et la terre, Dieu créa l’homme, et lui ordonna de se multiplier, donc de remplir la terre de sa progéniture. Dans toutes les civilisations, les confessions religieuses et les ordres étatiques au monde, un accent a toujours été mis sur la responsabilité des parents par rapport au bien-être et à l’épanouissement de leur progéniture.
Mais hélas, à travers le monde , nous assistons actuellement à une tendance générale d’une certaine démission aussi bien du parent que de l’Etat et de la société vis-à-vis de ce devoir d’élever, d’éduquer et d’instruire les enfants. Pis encore, il est de plus en plus question de violation de leurs droits fondamentaux garantis aussi bien par la morale et que le droit ; une situation qui pourrait être la cause principale de l’installation dans note société de la délinquance juvénile, dont le phénomène « enfant de la rue », qui est en passe de devenir une réalité universelle, n’est qu’une conséquence logique.
A la veille de la tenue aux Etats – Unis et en Guinée Bissau de la 4me Conférence mondiale de la « Youth World Organisation » consacrée au racisme et aux abus sur les enfants, à laquelle la NPDAC / ONG est invitée à titre spécial. nous avons jugé utile et opportun de produire la présente réflexion, en vue de solliciter l’attention aussi bien des pouvoirs publics que des partenaires privés à la paix sur la situation des abus sur les enfants en RDC ; et surtout d’en proposer des pistes de solution.
2. BREF SURVOL HISTORIQUE DE LA PROBLEMATIQUE.
2.1. L’ESCLAVAGISME.
L’histoire retient la traite des noirs comme un des moments les plus sombres de l’histoire de l’humanité, au regard des actes violations des droits humains qui en découlèrent, dans une ignorance totale de toute considération de la dignité humaine.
C’est à partir de cette période qu’on pourrait situer le début de l’implantation en Afrique subsaharienne de l’actuelle culture de la violence, plus particulièrement des abus sur des enfants qui faisaient aussi partie de la marchandise humaine, s’ils n’étaient pas contraints à la brutale séparation forcée avec leurs géniteurs, se retrouvant ainsi privés de la chaleur parentale indispensable à l’épanouissement de la personnalité.
2.2. LES RECRUTEMENTS DE LA FORCE PUBLIQUE CONGOLAISE.
Ayant réussi à faire reconnaître la souveraineté internationale de « l’Etat Indépendant du Congo », à la faveur de la Conférence de Berlin en 1885, le Roi Léopold II fut très vite confronté aux questions liées à la sécurité des agents commis à l’implantation de l’administration du nouvel Etat, à la nécessité d’y garantir la liberté du commerce et de sécuriser l’action évangélique des missionnaires chargés d’apprendre aux indigènes la bonne nouvelle, bref, d’assumer des exigences sécuritaires du nouvel Etat (1).
C’est alors que le souverain Belge se décida d’initier la mise en place de la « Force Publique », dont la création officielle était concrétisée par le décret du 30 octobre 1885 relatif à l’organisation du Gouvernement central du Congo (2).
A l’instar de l’esclavagisme, les recrutements des éléments de la nouvelle Force Publique, de la main d’œuvre locale pour la construction du chemin de fer Kinshasa – Matadi, ainsi que les plantations l’hévéas donnèrent lieu à de nombreux cas de violation massives des droits des enfants, qui se retrouvaient ainsi privés de la sollicitude parentale suite à la déportation de leurs géniteurs, s’ils n’étaient pas eux – mêmes contraints de travailler pour l’économie du nouvel Etat.
2.3. LES GUERRES CIVILES.
Les convulsions politiques liées à la naissance du nouvel Etat congolais, à partir de son indépendance le 30 juin 1960, évoluèrent rapidement vers la grogne dans les casernes, des mutineries et finalement des rebellions(3), dont la troupe étant essentiellement composée des jeunes de moins de 18 ans, soient des individus moins critiques, donc plus réceptifs aux discours démagogiques des nouveaux messies de l’Afrique noire, qui les soumettaient à un lavage de cerveau, ce qui les rendait capables de pires monstruosités.
C’est à partir de cette période que remonte la sinistre mode de recrutement des enfants soldats, dont l’odieuse technique de recrutement consistant à demander à un enfant de commencer par tuer des membres de sa propre famille ; afin de produire une rupture irréversible des attaches sociales e morales qui le lient à cette dernière.
Un enfant ainsi contraint au bannissement par son milieu d’origine, devient un être dépourvu de tout repère social, et au fil du temps, finit par perdre tout sentiment humain et devient capable de pires monstruosités dans l’échelle de la violence.
2.4. LA RESPONSABILITE DES POUVOIRS PUBLICS.
Toutes ces convulsions socio - politiques, les manifestations de violence et les guerres civiles qui avaient précédé ou suivi l’indépendance du Congo ont en définitive causé de profonds traumatisme auprès des jeunes de l’époque, dont certains assistèrent à d’odieux assassinats de leurs parents, s’ils n’en étaient pas eux – mêmes les bourreaux; ce qui se solda par la multiplication du nombre des orphelins que les pouvoirs publics, rendus incompétents par la déliquescence de l’Etat, n’arrivaient plus à encadrer.
Une des plus fâcheuses conséquences de cette dramatique situation est l’apparition du phénomène « enfant de la rue » d’abord dans des agglomérations de l’Est comme Bukavu et Kisangani ; ensuite dans la capitale Kinshasa où les « schégués » (4) sont actuellement en train de devenir le cinquième pouvoir ; constituant une véritable bombe à retardement aussi i bien pour la RDC que le reste de la sous – région.
2.5. LA DEMISSION DES PARENTS.
Les crises politiques à répétition que connaît la RDC depuis son indépendance jusqu’à ce jour n’ont pas entraîné que la violence et les guerres civiles. Nous avons souligné plus haut qu’elles avaient aussi entraîné une déliquescence de l’Etat qui s’est soldé par le démantèlement du tissu socio – économique du pays, un phénomène qui a fini par rendre les parents incapables d’assumer leurs obligations familiales ; ce qui a placé l’enfant congolais devant trois issues fatales :
- Quitter l’école que les parents ne peuvent plus payer pour aller travailler pour sa survie ou celle de sa famille.
- Se délocaliser de la famille vers la rue où il est entraîné dans l’engrenage drogue, violence et criminalité.
- Prendre le raccourci de la prostitution.
Ceux qui réussissent à résister à cette triple fatalité ont beaucoup de chance d’être chassés par la force du tout familial vers la rue, à la faveur des fausses croyances au phénomène « enfant sorcier », qui constitue par ailleurs un idéal prétexte utilisé par certains parents moins scrupuleux, ne pouvant plus assumer leurs obligations familiales ; parfois, malgré leur bonne volonté. .
2.6. LES METHODES D’ EDUCATION VIOLENTES.
Dans son livre intitulé « la Fessée » (5), Olivier Maurel, un des parrains de l’actuelle décennie mondiale des Nations Unies sur la culture de la non-violence qui, soit dit en passant, avait fait l’honneur à la NPDAC/ONG en acceptant d’en devenir un membre d’honneur, démontre à suffisance que les méthodes éducatives violentes des enfants, telles que généralement pratiquées en Afrique, basées essentiellement sur les humiliations, les brimades, les fessées et la chicote, contribuaient sensiblement à la formation de futurs adultes très enclins à la violence. Au regard de ce qui précède, il y a lieu de souligner le fait que les différentes rébellions congolaises ont souvent récolté leurs plus grandes adhésions auprès des jeunes plus à l’Est qu’à l’Ouest du pays.
Nous sommes de ceux qui pensent que les méthodes d’éducation des enfants plus violentes à l’Est du Congo où survivent de fortes influences des traditions arabes qu’ à l’Est où l’enseignement chrétien, bien que véhiculant également l’idée que « l’enfant est un être imparfait qu’il faut corriger et à dresser », serait quelque peu tempéré en matière d’usage de châtiment corporel comme moyen d’éducation et d’instruction ; pourrait justifier le peu d’engouement des jeunes congolais de la partie occidentale du pays vis – à – vis des mouvances insurrectionnelles.
3. PISTES DE SOLUTION
Devant ce tableau sombre de la situation des enfants en RDC, au regard de leurs droits universellement reconnus, il serait souhaitable que les pouvoirs publics et les sociétés civiles locaux, en harmonie avec la communauté internationale, adoptent une approche de parade tridimensionnelle, c’est-à-dire, orientée à la fois vers l’individu, la communautaire et l’Etat.
3.1. SUR LE PLAN INDIVIDUEL.
AU niveau de la NPDAC/ONG, nous sommes constants lorsque nous disons que la paix, avant d’être une question politique, militaire et diplomatique, est d’abord un phénomène culturel, qu’il n’est pas évident de réussir à décréter par les seuls accords politiques, militaires et diplomatiques.
Il pourrait être fondamentalement nécessaire de mener un travail de sensibilisation de fond destiné à amener chaque parent en tant qu’individu, à une meilleure intériorisation de son sens de responsabilité parentale, de manière qu’il puisse être plus enclin à assumer, contre vents et marées, ses obligations morales vis – à – vis de sa progéniture, malgré les effets néfastes de la conjoncture sociale et économique.
Dans le même ordre d’idées, il faudrait amener le parent à mieux saisir la conditionnalité entre l’éducation donnée à son enfant et la future personnalité de ce dernier en tant qu’élément de la société ; afin qu’il comprenne l’importance d’adopter des méthodes éducatives qui fassent de l’enfant un futur homme équilibré et utile à la société ; ce qui constitue également une contribution sensible à l’implantation de la culture de la paix, en antidote de l’actuelle tendance à la montée de la culture de la violence dans la sous – région.
3.2. AU NIVEAU DES COMMUNAUTES.
Une intériorisation réussie des idéaux de non – violence, de tolérance et de l’acceptation de la différence ethnique et religieuse et politique au niveau des individus devrait se traduire sur le plan communautaire, comme souligne ci – haut, par l’implantation d’une véritable culture de la paix, ce qui devrait permettre la concorde entre les communautés ethniques politiques et religieuses présentes en RDC et dans la sous- région.
Cette coexistence pacifique empreinte de tolérance politique, religieuse et ethnique devrait réduire la propension aux injustices génératrices des frustrations : les deux principales causes de la violence et des guerres fratricides, qui donnent traditionnellement lieu à tous ces abus sur les enfants actuellement déplorés en RDC et dans les Grands Lacs.
3.3 SUR LE PLAN ETATIQUE.
L’article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’enfant demande à tous les Etats d’assumer la protection des enfants. La tentation serait grande pour un pays qui sort d’une longue guerre aussi meurtrière que destructrice que celle qu’a connue la RDC, et qui se trouve confronté aux priorités sécuritaires liées à la consolidation de la paix et à la restauration de l’Etat, de considérer certaines questions sociales dont celles relatives aux droits des enfants comme des matières de second ordre.
C’est ici qu’intervient la nécessité de l’intervention de la communauté internationale pour appuyer les efforts des pouvoir publics congolais, à l’instar de ce qui se fait actuellement sur les plans militaires et diplomatiques, afin que la problématique de la reconnaissance et de l’application des droits des enfants en RDC figure dans l’agenda des autorités du pays, au regard du futur processus de reconstruction nationale qui devrait normalement suivre la mise en place des institutions de la nouvelle République.
Dans le cadre de son appui au prochain processus DDR congolais, il serait souhaitable que la communauté internationale mette un accent particulier sur la question de la réinsertion dans la société des Eafga’s, sans oublier celle des orphelins d’ex-combattants Congolais, Rwandais, Burundais, Ougandais en déshérence en Afrique Centrale, qui devraient également être pris en charge de peur qu’ils ne s’enlisent à leur tour dans la délinquance, devenant ainsi de futurs candidats aux recrutements de futurs rebellions.
En outre, il serait vraiment grand temps que les pouvoirs publics congolais prennent à cœur la question de l’encadrement des enfants de la rue qui constituent une menace réelle à la paix et sécurité au pays et dans les Grands Lacs, à moyen et à long terme.
4. CONCLUSION.
Nous voudrions terminer en soulignant qu’il est à la fois un devoir moral et une exigence sécuritaire fondamentale pour la communauté internationale d’aider les pouvoirs publics dans la sous – région de Grands Lacs à assumer l’immense tâche de la prise en charge de la question du respect des droits enfants, plus particulièrement celle de la réinsertion dans la société des Eafga’s, et des tous les autres enfants versés dans la rue suite aux guerres civiles, violences ethniques et l’incapacité matérielle des parents à assumer leurs obligations familiales.
Il faudrait que la communauté internationale s’emploie aujourd’hui à désamorcer cette bombe à retardement constituée par la présence dans la rue de ces enfants qui, en grandissant, ne connaissent que le vol, la drogue, la prostitution et la violence ; pour éviter qu’ elle ne se retrouve plus tard face à la nécessité de mobiliser dix ou cent fois plus d’énergie, de ressources humaines et matérielles pour mettre fin aux violences ethniques et guerres civiles dont ces derniers seront les principaux acteurs.
Références :
(1) Lycops et Touchard, Acte Général de la Conférence de Berlin, le 26 novembre 1885, Tome J, chap.II, art.9, p.23
(2) Camille Coquillat, Sur le Haut – Congo, Impr. Lébègue et Compagnie, Bruxelles, 1886, p. 228
(3) Lire notamment Gérard Libois et Bénoit Verhaengen, Congo 1960, C.R.I.S.P., Bruxelles, Tome I.
(4) « Enfants de la rue » dans le parler commun kinois.
(5) Olivier Maurel, La Fessée, Editions La Plage, Paris, 2001
Faustin B. LOKASOLA Coordonnateur
Expert en question de paix et sécurité
