Les droits de l'homme en otage dans le Territoire de Fizi
L’année 2005 commence comme s’est terminée l’année 2004 avec la poursuite des violations quotidiennes des droits et libertés fondamentales des citoyens. A cinq mois de la fin de la période de Transition, la situation des droits de la personne demeure toujours préoccupante au regard de la persistance des violations flagrantes des droits de l’homme notamment les meurtres, les arrestations arbitraires et détentions illégales, les extorsions, des amendes forfaitaires et illégales, la destruction des champs…
Les droits de l’homme continuent à être déniés par les militaires, les autorités administratives et la police qui, au lieu de remplir convenablement leur mission qui consiste à protéger les citoyens ont, a contrario, constitué de véritables prédateurs de leurs droits. L’impunité se porte comme un charme des auteurs des violations des droits humains, pourtant souvent bien connus, jouissent d’une curieuse liberté qui leur permet de rééditer le martyr de la pauvre population qui fait face à une montagne de difficultés sur tous les fronts et qui peine à se remettre des effets désastreux consécutifs à plusieurs années de guerre.
En date du 29/11/2004 la localité de Mukera dans le groupement Basimukuma, collectivité/secteur de Mutambala a été le théâtre
d’une sanglante scène. En effet, mesdames
NAMILENDE EKYOCI, veuve, mère de 6 enfants, âgée de 50 ans et domiciliée à MUKERA ; LALIYA, veuve, mère de famille, âgée de 55ans et Aziza veuve et âgée de 52 ans ont été molestées jusqu’à trouver la mort. Pour leur part, Monsieur Pascal AMISI, marié et père de 4 enfants, âgé de 70 ans, domicilié dans la même localité et Madame Mwamuke, mariée et âgée de 45ans ont miraculeusement survécu à cet odieux traitement. Toutes ces personnes ont été accusées comme étant des sorciers et responsables de la mort de madame Nyassa, marié et mère de 5 enfants, décédée à la suite d’un accouchement quelques heures avant. Ces actes ont été commis par une partie de la population de cette localité.
- Mardi, le 28/12/2004, Monsieur KIBUKILA MBILIZI, marié et père de 8 enfants, âgé de 60ans, LOTONGE, marié et père de 6 enfants, âgé de 45 ans ; KIBUKILA MASUMBUKO, marié et père de 3 enfants, âgé de 29 ans et SAME KALATA, marié et âgé de 29 ans, respectivement chef de centre et chefs de quartiers. Ces quatre personnalités, accusées d’être des sorciers et responsables de l’épidémie de Cholera ont été arrêtées par les militaires du 2e Bataillon, 118e brigade, 10e région militaire sur l’ordre du capitaine Anaclet MAINDO commandant 2e bataillon stationné à Fizi-Centre.
- Dans la nuit du 31/12/2004 au 01/01/2005, des hommes armés non autrement identifiés ont ravi plusieurs biens personnels et des poissons au Beach de MWANDIGA à Baraka, dans la collectivité de Mutambala ; aux sieurs RAMAZANI KILOZO, marié et père de 1 enfant, âgé de 25 ans et MAUMBA, âgé de 16 ans et élève en 4e année primaire.
- Samedi, le 15/01/2005, aux environs de 21 heures, Monsieur Clément LYAMBA, activiste de l’asbl CADHO, marié et père de deux enfants âgé de 28 ans et domicilié à Baraka, Quartier AEBAZ III, a été blessé au couteau par des militaires armés non autrement identifiés, qui lui ont également arrachés une somme de 400 francs congolais et une lampe torche.
En date du 19/01/2005, Monsieur SAMSON, vice-président de la Fédération des Entreprises du Congo du Territoire de Fizi, a été arrêté par le Major David ABEDINEKO, commandant 1er Bataillon, 118e Brigade au motif d’avoir ordonné la fermeture du marché de
Baraka envahi quelques heures avant par quatre militaires qui collectaient des articles sur les commerçants. Il a dû sa libération après paiement d’une somme de 10 $.
- Samedi, le 22/01/2005, des militaires agissant sur l’ordre de Major David ABEDINEKO ont arrêté les sieurs MAENDA, ANDALA MAURIDI, marié et père de quatre enfants, âgé de 33 ans ; ATEMBO ATEJOS, marié et âgé de 40 ans, respectivement chef du groupement BASIMUKINDJE et chefs de quartiers de MATATA et KALINGA à Baraka. Ils ont été accusés d’être des sorciers et responsables de l’épidémie de choléra dans la cité. Leur libération est intervenue le lendemain après paiement d’une somme totale de 3100 francs congolais.
- Samedi, le 22/01/2005, le sieur SAMSON, vice-président de la Fédération des Entreprises du Congo et animateur sanitaire volontaire, marié et domicilié au quartier au quartier AEBAZ I, à Baraka, groupement BASIMUKINDJE, en collectivité secteur de Mutambala a été arrêté pendant 8 heures par deux policiers sur l’ordre de l’Officier de Police Judiciaire LUMWENE KAYUMBA de la police de district de Fizi au motif d’être sorcier pour avoir indiqué dans une réunion son refus de sensibiliser la population sur le choléra.
- Samedi, le 22/01/2005, à 21 heures, sieurs ISSA KISESA chauffeur à Médecins sans Frontières-Hollande, âgé de 37 ans, a été intercepté par des militaires du 1er Bataillon, 118e Brigade, basés à Baraka qui lui ont emporté une somme de 17$ et 700 francs congolais , son permis de conduire et sa carte d’identité.
De ce qui précède, l’asbl CADHO constate avec indignation que les droits et les libertés fondamentales des citoyens sont violés sous des motifs fallacieux.
Elle condamne avec fermeté l’impunité dont jouissent les criminels et invite vivement les autorités militaires et administratives du Territoire de Fizi à prendre leurs responsabilités en assurant correctement la sécurité de leurs concitoyens.
Elle rappelle que l’art.9, alinéa 1er du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que « tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ».
L’asbl CADHO rappelle, en définitive, que selon le prescrit de l’article 15 de la constitution de la Transition de la République démocratique du Congo « la personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements cruels ou dégradants. Nul ne peut être privé de la vie ou de la liberté, si ce n’est dans les formes qu’elle prescrit ». Et l’art. 61 renchérit en stipulant que « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés par la présente constitution s’impose à tous les citoyens et aux pouvoirs publics»●
