Plaine de la Ruzizi : le cambriolage routier refait surface :Deux véhicules pillés par des hommes armés à Runingu et Rushima en l’espace d’environ une semaine
En dates du samedi 19 et du lundi 28 mars 2005, deux véhicules ont été interceptés et leurs passagers dépouillés de tous leurs biens et argent par des hommes armés non autrement identifiés en tenues militaire et civile. L’ONG Solidarité Paysanne et l’Agence de voyage ARC-EN-CIEL ont été victimes de ces scènes de pillage qui se sont opérées respectivement au tournant de Nyamunindi près de la localité de Runingu et à Rushima à mi-chemin de Luberizi et Bwegera dans la Plaine de la Ruzizi en territoire d’Uvira.
Les responsables de Solidarité Paysanne dont le véhicule partait, vers 21 heures, de la Cité de Sange à celle d’Uvira ont annoncé que les assaillants ont emporté une somme de 9500$ destinée aux activités des programmes d’adduction d’eau potable et de réhabilitation des infrastructures détruites de suite de la guerre en cours d’exécution dans cette partie du Sud-Kivu par cette ONG congolaise.
Le second groupe des coupeurs de route a visé le bus de cette agence qui achemine très tôt matin aux environs de 5 heures des commerçants d’Uvira et de Fizi qui font régulièrement tous les lundis, mercredis et vendredis un voyage aller et retour Uvira-Bukavu pour des achats. Les informations reçues près de certaines victimes font état d’un montant de plus de 10.000$ emporté.
A Runingu comme à Rushima, les voleurs étaient armés des fusils AK 47 et en partie vêtus d’uniforme militaire.
Ces incidents sont les premiers dans la Plaine de la Ruzizi depuis plus de six mois. En effet, les attaques des véhicules sur cette route n’étaient plus enregistrées depuis la mise en débâcle, en décembre 2003, par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) des éléments FNL burundais conduits par le tristement célèbre Eugène Bitagyumunyu opérant à partir de la forêt-galerie de la Rukoko. Ces forces nationales avaient également mené une action punitive en avril-mai 2004 contre les Interahamwe basés dans les plateaux surplombant cette vallée.
Estimant que ces vols sont commis par des FARDC, plusieurs observateurs font valoir la triste réalité que les militaires congolais, quasiment impayés, demeurent insoumis aux ordres hiérarchiques, avides d’argent et de gains faciles, vivent sur le dos des populations,... Ils font remarquer aussi que cette résurgence de cambriolage routier survient au moment où le brassage des forces armées issues des composantes et entités ex-belligérantes dans le but de former une armée intégrée, disciplinée et dévouée à la « mission de défendre l’intégrité du territoire national contre toute agression extérieure, de participer au développement économique, social et culturel et de protéger les personnes et leurs biens » est sur le pied de commencer à Luberizi. Certaines sources soutiennent aussi que depuis un certain temps des hommes de troupe grognent à cause du non payement de leur solde et de l’insignifiance de celle-ci.
D’autres pensent que les auteurs de ces vols seraient des groupes incontrôlés composés des jeunes gens du terroir, soit auto-démobilisés des groupes armés tout en gardant leurs armes, soit ceux qui obtiennent armes et munitions du fait de leur circulation illégale dans la région. Selon eux, la paupérisation accrue des populations et le désœuvrement de la jeunesse en sont pour beaucoup.
En tout état de cause, il y a lieu de se rappeler que l’année dernière les soupçons qui pesaient sur les Interahamwe et les FNL burundais d’Eugène Bitagyumunyu à la suite du pillage d’une camionnette soldé par la mort de quelques passagers au premier endroit cité, c’est-à-dire Nyamunindi, avaient été balayés d’un revers de la main lorsque des soldats des FARDC ont été vus quelques jours après en train de vendre certains effets contenus dans ledit véhicule.
En plus, ce cambriolage n’est pas unique à la Plaine de la Ruzizi ces derniers jours. En effet, les usagers de la route Bukavu-Bunyakiri retiennent leur souffle lorsqu’ils s’engagent dans la Parc National de Kahuzi-Biega, spécialement sur le tronçon communément appelé « Sabasaba ». Beaucoup de cas de pillage et de réquisition des passagers au transport des biens y sont enregistrés depuis que les Colonels ex- Maï maï Cibalonza et « 106 » sont entrés en disgrâce avec le commandement de la 10ème Région Militaire.
L’association des droits de l’homme Héritiers de la Justice s’inquiète de la résurgence et de la récurrence du cambriolage sur les routes les plus usitées de la province. Elle fait remarquer que les deux cas survenus dans la Plaine se sont produits non loin des positions militaires et ce territoire est actuellement l’une des parties les plus militarisées du Sud-Kivu à la suite de la dernière insurrection du Colonel Jules Mutebutsi et du Général Laurent Nkundabatwere.
Tout en saluant le renforcement de la présence militaire sur l’axe routier d’Uvira et la multiplication des patrouilles à des endroits névralgiques, l’Association regrette que les autorités se soient limitées à constater les dégâts au lieu de mener des investigations pouvant permettre de dénicher les malfaiteurs.
C’est pourquoi Héritiers de la Justice relaye le cri des populations locales et exige aux chefs des brigades militaires basées dans la Plaine de la Ruzizi, à l’Administrateur du Territoire d’Uvira, au Général Commandant de la 10ème Région militaire et au Gouverneur de province de faire tout ce qui est à leur pouvoir en vue de retrouver les auteurs de ce double pillage et les déférer devant la justice.
Fait à Bukavu, le 05/04/2005
Héritiers de la Justice
