Des militaires qui se trompent d’adversaires:Faute de solde, des éléments des FARDC se rabattent sur la population civile

Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 avril 2005, vers 5H00 du matin, la famille de monsieur Godefroid Muhivwa, Député à l’Assemblée nationale de Transition, a été agressée par des hommes armés soupçonnés d’être des éléments des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Les victimes résident sur l’avenue Muhungu/SNEL dans le quartier Ndendere en commune d’Ibanda à Bukavu. La scène s’est soldée par une rafle d’un sac à main contenant une somme d’argent en Francs congolais équivalant à 50 $US et plusieurs reçus de tontine représentant un montant qui n’a pas été révélé ainsi qu’un trousseau de clés.

Après le départ des malfrats, les infortunés ont commencé à pousser des cris, ce qui a amené les agresseurs à tirer deux balles en l’air. Dans leur fuite, l’un d’eux à laissé tomber son képi que trois militaires sont venus réclamer au lever du soleil, vers 7H00. Saisie de peur, madame Muhivwa a dû leur remettre cette pièce à conviction.

Nos sources renseignent que de telles opérations sont devenues monnaie courante dans cette avenue. Après leurs coups, les inciviques prennent le chemin du camp militaire Saïo situé à quelque 200 mètres de Muhungu SNEL. En date du 29 mars 2005, vers minuit, la famille de monsieur René Rubambura, domiciliée dans la même entité, a fait l’objet d’une attaque similaire. Une autre habitation voisine a été dévalisée de fond en comble un dimanche pendant que toute la maisonnée était au culte. Les appels au secours et les cris du genre « Au voleur ! » ne se comptent plus. En effet, de plus en plus, à la tombée de la nuit, certains militaires restent aux aguets dans des endroits obscurs et extorquent aux passants, qui un téléphone, qui de l’argent ou tout autre bien en leur possession.

C’est aussi dans ce milieu que monsieur Bahimiriza Ciza, agent à la Bralima, a été tué avec sa femme Mme Bahati Rosette le 16 mars 2005 par un autre groupe d’hommes armés et en uniforme.

Comme on le voit, la clochardisation des militaires congolais a atteint son paroxysme. En milieux urbain comme rural, il s’observe, au quotidien, des scènes de rançonnement, d’extorsion, d’intimidation, d’attaques, de menaces commises par des hommes de troupe sur la population civile

Les militaires positionnés dans les bivouacs placés sur l’avenue située derrière la Banque Centrale du Congo rivalisent dans les extorsions des biens divers aux passants presque chaque soir à partir de 18 H00. Très récemment, le samedi 09 avril, à la tombée de la nuit, ils ont failli rançonner des femmes porteuses de bagages. Mais ils ont été obstrués par leurs compagnons de la Police Militaire (P M).

Le quartier Kasali en commune de Kadutu n’est pas en reste. Les militaires affectés dans cette partie pour participer aux patrouilles aux côtés des éléments de la MONUC interceptent les passants à tout bout de champ pour leur demander des aides de nature diverse.

C’est dans les milieux ruraux où le bas blesse. Un rapport digne de foi remontant à février 2005 relève que dans la collectivité-secteur de Mutambala, en territoire de Fizi, faute de latrines, les détenus font leurs besoins dans. des fûts destinés à cet effet dans leurs cellules. Une fois excédés par l’odeur nauséabonde, ils sont contraints au paiement des amendes forfaitaires pour obtenir libération

Le son de cloche le plus horrifiant vient du village Chihalaga, localité de Kashusha, groupement de Miti, territoire de Kabare où, en date du 02 février 2005, des éléments de la 103è Brigade basée à Nyamunyunye ont fait irruption dans la concession de monsieur Masoro Kamegere alors qu’il recevait ses hôtes à l’occasion des cérémonies nuptiales de sa fille. Non contents du repas qui leur avait été servi, ces militaires ont exigé que le père de famille renchérisse. A la suite de leur altercation avec celui-ci, ils ont décroché des balles, blessant grièvement le pauvre homme et son fils répondant au nom de Tombola Kamegere. Deux jours auparavant, les mêmes militaires venaient d’arracher 3 chèvres à cette famille. Quelques instants après, ils s’en sont pris à la famille de monsieur Chona Faheri, voisine de celle de monsieur Masoro auprès de laquelle ils ont emporté 7 chèvres. Dans la foulée, ces soldats indisciplinés ont ensuite fait un raid chez les sieurs Innocent Mutokota et Bokilo Nakarhabaga. Le premier a été défiguré des suites des coups et blessures reçus tandis que le second, qui venait fraîchement de se marier, a été dépouillé de tous les biens

Dans le territoire de Kalehe, des militaires marins affectés aux beaches de Mihumba et de Kasunyu arrêtent et rançonnent des voyageurs lacustres. Des scènes similaires se produisent régulièrement aux ponts des rivières Kamanyola, Sange et Kiliba dans la Plaine de la Ruzizi et Lubyala à Kamituga en territoire de Mwenga.

Vivement préoccupée par cette situation, l’asbl Héritiers de la Justice monte au créneau pour dénoncer ce mal. Elle exige que l’Etat congolais prenne ses militaires en charge en révisant et en leur payant une solde régulière et consistante pour éviter les dérapages ci-haut évoqués. Si rien n’est fait sous peu, les hommes en uniforme pourraient aller au-delà des rafles de biens et commettre le pire.

L’Organisation pense également que les militaires se trompent d’adversaire en ce moment où la sécurité du pays n’est pas encore totalement assurée. Loin de s’en prendre à la pauvre population dont la majorité n’a plus que ses os, après avoir été dépouillée de tout son avoir, l’armée devrait plutôt composer avec cette dernière pour mieux répondre à sa mission : celle de défendre l’intégrité territoriale et de protéger cette population et ses biens.

Saluant les exploits déjà réalisés par la 105è Brigade, l’Association demande à celle-ci de renforcer ses manœuvres de découragement des militaires inciviques et de démantèlement des réseaux d’autres voleurs opérant dans la ville de Bukavu. Les autres commandants des brigades et des bataillons devaient l’emboîter le pas. Quitte à ces instances de déférer les militaires présumés coupables auprès des Tribunaux spécialisés pour qu’ils répondent de leurs actes. Il y a lieu de faire diligence.

Bukavu, le 11 avril 2005

Héritiers de la Justice


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