La guerre des maisons à Bukavu entre le Pouvoir provincial et la SOMINKI:Mieux vaut paix que victoire
Dans la matinée du mardi 12 avril 2005, à partir de 8h00, une dizaine de policiers ont investi le camp des agents de l’ex-Société Minière et Industrielle du Kivu (SOMINKI), situé sur l’avenue de la Montagne ( Milima) à Nguba dans le quartier Nyalukemba en commune d’Ibanda à Bukavu. L’objectif était de déloger les familles des travailleurs de cette entreprise en liquidation qui habitent encore en ce lieu. Principalement, quatre habitations ont été prises pour cible. Il s’agit de celles de Messieurs Charles Nalwango El-Wakwankusu, Kinsembe Musililwa et Kibukila Joseph et madame Bibiche Kafunu Carine. Ces infortunés sont respectivement Chef de transit de la SAKIMA (Société Aurifère du Kivu et du Maniema), agent d’exécution et fils du feu chauffeur Kibukila Mashimo tué en 1998 à Luhwinja alors qu’il était en mission de service, une locataire non autrement identifiée.
Agissant sur ordre de Son Excellence le Gouverneur de province du Sud-Kivu, Monsieur Augustin Bulahimu Wite Nkante Myanda, les agents de l’ordre sont entrés dans les maisons de ces derniers, sommant leurs maisonnées à déguerpir et jetant certains de leurs effets dehors. A la suite de cette scène, des altercations violentes entre les agents et les policiers s’en étaient suivies à telle enseigne qu’une équipe des militaires est venue en renfort aux hommes de la force publique.
Vers 10h00, dans la mêlée, l’ingénieur Herman Cherubala Zirirane, Chef de la Division Sud de la SAKIMA et chargé de défendre les intérêts de la société, est vainement intervenu. Il a été arrêté et amené au cachot de la Police spéciale de recherche et sécurité (PSRS) d’où il n’a été relâché que vers 15h00.
A l’heure qu’il est, Monsieur Nalwango est porté disparu, ses 4 enfants dont l’âge varie entre 5 et 14 ans ainsi que les 4 jeunes gens sous sa tutelle passent la nuit à la belle étoile, exposés aux intempéries de l’air, sous le froid, la faim et une insécurité inouïe en l’absence de leur mère en voyage à Goma dans la province du Nord-Kivu. Comme et avec ces derniers, les enfants de trois autres familles ne vont pas à l’école, leurs objets classiques ayant été enfermés dans leurs maisons scellées par les policiers.
L’opinion locale s’interroge sur les mobiles qui ont poussé l’autorité provinciale à prendre une telle mesure. Déjà des rumeurs circulent et persistent selon lesquelles le Gouverneur Bulahimu aurait vendu, en complicité avec les services du Cadastre, des Affaires foncières, de l’Urbanisme et Habitat, cette concession problématique qui abrite les anciens agents de la SOMINKI en attente, depuis la fermeture de cette société, de paiement de leurs indemnités de fin de carrière ou d’une éventuelle reconduction à une nouvelle entreprise.
Des sources fiables renseignent que la concession en question a fait l’objet d’un morcellement en sept parcelles comme indiqué dans le tableau ci-après :
N° S.U
CONTRAT N°
Date
BENEFICIAIRES
9983
D8/N26526
12/11/2004
KALUMUNA MARHONYI
9984
D8/N26527
12/11/2004
LUTUBA SAKUNGU
9985
D8/N26528
12/11/2004
MULISHO WITENKATE
10097
D8/N26532
12/11/2004
MUGANGU KULIMUSHI
10098
D8/N26531
12/11/2004
MATISHO BULINDI Christine
10099
D8/N26529
12/11/2004
KINGOMBE Jean-Baptiste
10100
D8/N26530
12/11/2004
WAMUNZINDA BIMPA
D’autres rumeurs de plus en plus inquiétantes mettent en avant une idée du N° 1 de la province qui chercherait où caser certains des membres de sa famille et les réfugiés Banyamulenge qui ont commencé à rentrer à Bukavu et se trouveraient en difficultés de logement.
Des informations en notre possession signalent que le gîte de passage de la SOMINKI est habité par la mère propre et d’autres proches de Monsieur Augustin Bulahimu. Quant au bureau administratif de la société, il est occupé par un quidam du nom de Kangombe, expert au cabinet du gouverneur et Monsieur Kingombe Jean-Baptiste.
Par ailleurs, il se dégage un autre fond de rumeur qui ressuscite le conflit qui allait être séculaire entre la SOMICO (Société Minière du Congo) et BANRO CORPORATION et dans lequel Monsieur Bulahimu serait actif.
Enfin d’autres esprits avisés y lisent un règlement des comptes entre le Gouverneur et le Vice-gouverneur en charge de l’administration et des questions politiques.
En effet, par son arrêté N°01/94/CAB/GP-SK/2004 du 25/10/2004, le Gouverneur de province, Monsieur Bulaimu, se fondant sur la mise en valeur de la parcelle cadastrée S.U.413 attribuée à la SOMINKI ainsi que sur la nécessité de changer l’usage industriel dudit terrain à usage résidentiel, avait décidé de la reprise de celui-ci par l’Etat.
Cependant cette décision, ainsi que vingt autres, avait été frappée d’une mesure d’abrogation par l’arrêté N° 01/01/CAB/GP-SK/2005 signé le 10 janvier 2005 par le Vice-Gouverneur Didace Kaningini Kyoto, alors Gouverneur intérimaire. Cette mesure a été prise en exécution de l’esprit de la lettre et du message ministériels respectivement N° 0636/CAB/MIN/AFF.F/2004 du 2 octobre 2004 et N° 25/MININTERDESEC/CAB/651/2004 du 28 novembre 2004.
Interrogé autour de ce problème, le Gouverneur de Province a déclaré, le mercredi 13 avril courant, sur les ondes de la RTNC (Radio Télévision Nationale Congolaise) émettant de Bukavu, qu’il allait loger dans les maisons querellées le Rectorat du Centre Universitaire de Bukavu (CUB) ou encore certaines divisions provinciales qui manquent des locaux.
Quant à Monsieur Justin Bitakwira, chargé de mission du gouverneur, capté le même jour à la Radio OKAPI, il a dit que les maisons déguerpies abriteront certaines institutions de la transition et le Barza intercommunautaire.
L’a.s.b.l Héritiers de la Justice est vivement préoccupée par ce genre de déguerpissement forcé qui plonge des enfants, des femmes et des familles entières dans une insécurité totale et sans nom.
L’Organisation est inquiète du sort que la société en liquidation réserve à ses agents et travailleurs qui doivent continuer à jouir du droit au logement conformément aux articles 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et 32 de la Constitution de la Transition en RDCongo ainsi qu’aux liens contractuels entre les deux parties.
Par ailleurs, elle invite la SOMINKI à procéder aux paiements des droits dus à ses agents et travailleurs afin de leur permettre de recommencer une nouvelle vie professionnelle en toute dignité et dans le strict respect du Code Congolais du Travail.
Rappelant qu’un dossier opposant la SOMINKI à la République Démocratique du Congo représentée par l’autorité provinciale est pendant au Tribunal de Grande Instance de Bukavu, Héritiers de la Justice propose à toutes les parties concernées d’attendre qu’un jugement en la matière soit prononcé, toutes affaires cessantes.
Le domaine querellé appartenant encore à une entreprise publique, soit-elle en liquidation,, l’Association demande l’annulation pure et simple des contrats de concession des parcelles délivrés aux personnes précitées.
Mieux vaut paix que victoire, se dit-on en pareille circonstance.
Fait à Bukavu, le 14/04/2005
Héritiers de la Justice
