Feuillet la messagère N°027 du juin 2005

RESEAU DES FEMMES POUR
LA DEFENSE DES DROITS ET
LA PAIX
R.F.D.P

N° 027 JUIN 2005

Feuillet occasionnel de dénonciation des violations des droits humains et des violences à l’égard des femmes.

Onze présumés complices des crimes commis par les milices rwandaises « Rasta-FDLR » arrêtés en territoire de Walungu ont été libérés sans jugement par les autorités de la province du Sud/kivu
Inquiétude et crainte de la population

Il est de plus en plus établi que les milices rwandaises RASTA – FDLR, etc bénéficient de la complicité de certains habitants du territoire de Walungu dans leurs entreprises criminelles.

Ce sont particulièrement les femmes et les jeunes filles enlevées par ces éléments pour servir d’esclaves sexuelles qui ont été les premières à signaler les co-auteurs de leurs bourreaux aux autorités locales mais sans qu’elles puissent trouver une oreille attentive de la part de certaines d’entre elles.

Déjà en Juillet 2004, quelques notables de la localité de Muhungu et quelques garçons de la localité de Mwirama, groupement de Kaniola/Walungu avaient été identifiés comme étant les collaborateurs de ces éléments par mademoiselle CI.MA qui avait été enlevée dans la localité de Budodo /Kaniola et tenue en captivité pendant trois mois dans la forêt par dix-sept éléments de la milice Rasta.

Mademoiselle BA.ZA, une rescapée parmi le groupe de onze personnes enlevées dans le quartier de Murhinankuba.en groupement de Izege/ Walungu en date du 6 décembre 2004, avait déclaré devant les enquêteurs du RFDP en janvier 2005 et en présence des autorités coutumières et administratives dudit territoire avoir reconnu deux garçons du village, surnommés respectivement Bahati et Muzungu, en forêt dans la bande des milices rwandaises qui l’avaient enlevée. Et par la suite, en février 2005 après le retour dans son village, elle a remarqué un de ces garçons dans le quartier ( Murhinankuba). Ayant pris peur d’être reconnu par ce dernier, elle en avait informé l’autorité.

En date du 04 mai 2005, l’arrestation et l’acheminement à Bukavu par le colonel commandant du groupement des combats sur l’axe Walungu, de onze personnes présumées coauteurs des milices rwandaises rastas et complices de plusieurs crimes commis sur les populations civiles dans ce territoire, avait fait naître un regain d’espoir dans le rang de la population qui voyait enfin les préludes de la lutte contre l’impunité de ces crimes, espoir qui s’était vite estompé car presque toutes ces personnes circulent librement dans la ville de Bukavu depuis le 22/5/2005.

En effet, en date du 22/ 05/2005, le gouverneur de province ad intérim et vice gouverneur en charge de l’administration avait ramené ces onze personnes à Walungu et avait demandé au cours d’une réunion du conseil restreint de sécurité du territoire que ces derniers réintègrent leur milieu car aucun grief n’était retenu contre eux. Les participants à la réunion avaient montré les conséquences néfastes d’une telle démarche sur la sécurité de la population et dans la lutte contre l’impunité qui doit caractériser les services étatiques.
De retour à Bukavu, ces derniers ont été relâchés avec ordre de se présenter au gouvernorat chaque lundi et vendredi et ceci sans tenir compte de tous les procès verbaux d’audition établis par les services compétents au niveau du territoire de Walungu.

En rapport avec cette situation, les observateurs s’interrogent, la relaxation pure et simple accordée par les autorités militaires et politiques de la province à ces présumés complices des crimes est elle légale?
De nos investigations, il ressort que ces présumés complices dans les crimes commis par les rastas n’ont jamais été présentés devant l’autorité judicaire, seule habilitée à les acquitter ou à les condamner conformément aux lois en vigueur dans le pays et en vertu de l’article 9 ,alinéa 3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques qui stipule : « Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré »

D’après la population et les victimes, cette démarche des autorités civiles et militaires de la province va accentuer l’insécurité, le cycle de la violence ainsi que les représailles envers elles de la part des rastas et leurs complices congolais. L’inaction de l’autorité devant l’insécurité persistante en territoire de Walungu, traduite par des enlèvements, des tueries, des pillages sans en retour une action conséquente de sa part pour arrêter cet état des choses viole la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 3 qui stipule : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » ainsi qu’à son article 4 qui stipule : « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude : l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes ses formes ». Ces dispositions rejoignent celle de l’article 15 de la Constitution de la Transition de la RDC qui renchérit : « La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. Toutes personnes a droit à la vie et à l’intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains, cruels ou dégradants »

. Pour la population, le relâchement de ces personnes va remettre en cause tous les efforts des autorités locales et des forces vives de Walungu dans la lutte contre la criminalité des milices rwandaises.
Car dit-elle, le fait pour ces présumés complices de répondre chaque lundi et vendredi à l’appel du gouvernorat de province n’exclut en rien l’entretien des contacts avec leurs alliés sur le terrain.

Actuellement, parmi ces complices des « Rasta », seul monsieur Nfizi Jacques, chef de localité de Ciruko, présumé commanditaire de l’assassinat de monsieur Anselme Butega, en date du 23 mars 2005, est encore détenu à la prison centrale de Bukavu.
La participation directe de certains chefs locaux et de onze présumés complices dans la commission des crimes en territoire de Walungu est réprimée si une fois les faits s’avèrent vérifiés conformément à l’article 22 du code pénal congolais qui précise :
« Sont considérés comme complices d’une infraction:
-ceux qui auront donné des instructions pour la commettre ;
-ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou tous autres moyens qui ont servi à l’infraction sachant qu’ils devaient servir ;
-ceux qui, hors le cas prévu par l’aliéna 3 de l’article 22, auront avec connaissance aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’infraction dans les faits qui l’auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l’ont consommée,
-ceux qui connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l’Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés, leur auront fourni habituellement logement, lieu de retrait ou de réunion ».

Et l’article 23 du même code ajoute : « sauf disposition particulière établissant d’autres peines, les coauteurs et complices seront punis comme suit :
1° les coauteurs, de la peine établie par la loi à l’égard des auteurs.
2° les complices, d’une peine qui ne dépassera pas la moitié de la peine qu’ils auraient encourus s’ils avaient été eux-mêmes auteurs
3° lorsque la peine prévue par la loi est la mort ou la servitude pénale à perpétuité, la peine applicable au complice sera la servitude pénale de 10 à 20 ans »

La sécurité des populations demeure le besoin prioritaire en ce jour en territoire de Walungu et de Kabare. C’est pourquoi, l’autorité tant civile que militaire à tous les niveaux devrait en faire sa préoccupation majeure pour permettre ainsi à la population de vaquer avec quiétude à ses occupations.
C’est pourquoi, le Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, recommande :

Au président de la République :
-d’associer une action urgente et visible à sa déclaration du 16 Mai 2005 sur la situation sécuritaire de Walungu telle que prononcée dans son discours à l’occasion de l’adoption du projet de Constitution par l’Assemblée Nationale.

Au gouvernement de transition :
- d’avoir une politique cohérente relative au rétablissement de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national ; cela
intègre la démobilisation urgente de toutes les milices rwandaises opérant sur notre territoire
- de s’acquitter de façon urgente de paiement des soldes des militaires sur toute l’étendue du territoire national afin de leur permettre
de remplir leur mission.

Aux autorités civiles et militaires de la province :
- de travailler effectivement selon les aspirations et les intérêts des populations
- de sécuriser les populations des territoires qui se trouvent dans les griffes des milices en luttant contre l’impunité de ces dernières et de toute personne impliquée dans les opérations de ces milices.
- de remettre tous les 11 présumés auteurs, coauteurs et complices des crimes commis à Walungu par les milices rwandaises et transférés à Bukavu par les autorités de ce territoire à l’autorité judiciaire militaire. Cela contribuera largement à la lutte contre l’impunité et au rétablissement de la sécurité dans cette partie de la province.

Aux forces vives de Walungu
-à ne pas perdre courage et continuer à dénoncer les auteurs des crimes, étrangers et nationaux, les coauteurs et leurs complices et les traduire en justice.
-à faire le suivi de tous les cas de complicité rapportés par la population et ceux déjà présentés devant la justice

Dénoncer toutes les violations des droits humains = contribuer à la lutte contre l’impunité en RDC