Action urgente:Affrontements entre unités des FARDC au Sud Kivu: la population civile paie le pot cassé

Eviter de créer un chaos dans les moyens plateaux de la collectivité des Bafuliru

Un ultimatum de 3 jours pour quitter Lubarika serait donné à la 110ème brigade par les ex-Maï Maï

Les affrontements entre les troupes des Forces Armées de la RD Congo dans le triangle Kamanyola-Lubarika-Katogota aux confins Nord de la Plaine de la Ruzizi, débutés le jeudi 04/11/2005, se poursuivent de manière sporadique dans les hauteurs surplombant la route Bukavu-Uvira. Pendant ce temps, des allégations sur les exactions dont les civils sont victimes de par le comportement des parties belligérantes en violation du Droit International Humanitaire deviennent de plus en plus persistantes.

En effet, s’il demeure jusque là difficile d’établir avec exactitude le nombre des victimes civiles blessées et/ou tuées du fait que le secteur de combats est interdit d’accès, notre équipe dépêchée sur les lieux pour vérifier ces allégations annonce que plusieurs militaires aux ordres du Colonel Mosala reviennent du front avec des biens et des effets appartenant à des civils. Il s’agit notamment des vaches, chèvres, porcs, poules, bidons d’huile de palme, matelas en mousse, vélos, sacs bondés d’habits essentiellement dames, … qu’ils mettent actuellement en vente à Kamanyola et à Luvungi.

Interrogés sur le pourquoi du recours par les FARDC en expédition à cette pratique qui ternit l’image des hommes sous le drapeau congolais et qui ne favorise pas la réconciliation entre eux et la population dont ils sont appelés à protéger la vie et les biens, un soldat nous a dit que : « une guerre sans butin n’en est pas une. Personne ne voudrait y aller. Tu vois, avec ça (il nous montre les habits dans un sac) ma femme va aussi bien se vêtir et devenir élégante, peu importe la provenance de ces habits. D’ailleurs, elle sera contente du fait que je les ai obtenus au prix de ma tête ». Et un autre de poursuivre, « nous n’avons pas de choix, les conditions de vie des militaires sont difficiles. On ne nous paie pas à vrai dire. Qui peut vivre, avec une famille ou seul, 30 jours durant avec les 5 minutes (un surnom donné aux 5.000 Francs congolais de solde mensuelle, équivalent de 10$) que l’Etat nous paie. Ne soyez donc pas étonné que lors d’une occasion pareille, c’est chaque militaire qui cherche à en profiter au maximum, qu’importe si c’est aux dépens de la population. C’est d’ailleurs chez celle-ci que l’on peut encore trouver ce qui peut plaire le militaire et à sa famille ».

A la question de savoir la réaction de leurs chefs quand ils apprennent qu’ils livrent au pillage des villages, un troisième homme de troupe que nous avons rencontré a soutenu que : « nos chefs sont au courant de ce que nous faisons et à mon avis, le pillage des biens civils que nous faisons est une motivation supplémentaire, si pas la première, qui nous encourage à aller au front. D’ailleurs plusieurs de nos compagnons qui n’ont pas pu rentrer avec quelque chose ou qui ne sont pas partis sont en conflit avec leurs femmes »

Certaines personnes civiles rencontrées à Kamanyola, Katogota et Luvungi et ayant requis l’anonymat ont exprimé leur crainte de voir les militaires se rabattre sur leurs champs situés à Lubarika et ses environs après que les biens abandonnés par les habitants en fuite soient épuisés. Rappelons que des éléments des FARDC sont depuis années décriés comme responsables de la destruction méchante des domaines agricoles.

Ces pratiques qui ne font que ternir l’image des FARDC occasionneront à court terme une famine à grande échelle dans cette région, surtout que Lubarika est l’un des rares greniers du Sud-Kivu qui ont été jusque-là les moins dévastés par les hommes armés. Une intervention urgente de l’autorité militaire pour faire cesser ces pratiques honteuses et répréhensibles s’impose donc.

Nous regrettons que nous ne puissions arriver au secteur encore sous les mains des ex-Maï Maï du Major Abdou que la hiérarchie de la 10ème région militaire qualifie aujourd’hui de « dissidents », étant donné que cette zone est interdite d’accès. Cette inaccessibilité constitue la cause du manque d’informations relatives aux violations de droits humains commis par les troupes sous ordre du Major Abdou.

Aux dernières nouvelles nous parvenues dimanche soir à Kamanyola, quelques commandants ex-Maï Maï basés dans la collectivité des Bafuliru auraient lancé aux troupes qui ont combattu Abdou un ultimatum de trois jours pour se retirer des positions « conquises ». Selon cette rumeur qui s’est vite répandue dans cette entité comme une traînée de poudre, ces chefs militaires menaceraient de contre-attaquer si ceux qu’ils appellent « forces d’occupation » qui ne font que « tuer des civils et piller leurs biens » ne quittent pas, « d’ici mercredi 09/11/2005, Lubarika et d’autres localités évacuées par l’ancienne brigade Aigle pour éviter un large bain de sang ». Aussi, à en croire ce message menaçant non encore authentifié, la contre-attaque serait menée au mépris de ce que cela entraînerait de néfaste sur le processus de paix en cours au pays.

Dans ce climat délétère, les usagers de la route Bukavu-Uvira s’inquiètent grandement de l’absence des forces de sécurité au niveau des escarpements de Ngomo. En effet, depuis le début des combats, les positions militaires qui parsemaient ce tronçon pour dissuader les « coupeurs de route » ont été dégarnies par leurs gardes qui ont été envoyés au front. Tenant en mémoire les multiples cas de cambriolage routier dont ils ont été victimes dans un passé récent, les transporteurs et autres voyageurs craignent que le phénomène ne ressurgisse avec acuité, surtout en cette période où approchent les fêtes de fin d’année. C’est pourquoi ils demandent le retour rapide des soldats pour sécuriser cette voie afin de rester proactif et ne pas toujours venir agir après avoir constaté les dégâts.

Au regard de cette situation qui est critique et qui nécessite une action urgente de la part du pouvoir et des acteurs présents sur le terrain, l’association des droits humains et la paix Héritiers de la Justice appelle, une fois encore, toutes les parties à la retenue et à rechercher une solution par des voies non violentes qui ne versent pas dans les souffrances déjà inouïes des populations civiles.

Elle invite le Colonel Mosala et le Commandant de la 10ème Région Militaire à mettre fin aux pillages par des militaires des biens laissés par des civils fuyant les affrontements et de déférer devant la justice ceux qui se complaisent dans ces actes. L’Association souhaite que par la suite les personnes civiles victimes de ces pillages systématiques par des FARDC soient vite assistées par les humanitaires et par la suite indemnisées par l’Etat congolais.

Héritiers de la Justice demande à la délégation des ambassadeurs du Conseil de Sécurité de Nations Unies en séjour en RD Congo depuis le samedi 05 novembre dernier à évoquer cette situation avec les responsables politiques et militaires congolais dans le sens d’exercer une pression sur eux pour qu’ils s’investissent ardemment dans la formation d’une armée nationale, restructurée et intégrée tel que stipulé au Point II (Objectifs de la Transition), alinéa 3 de l’Accord Global et Inclusif sur la Transition en RD Congo.

A suivre…

Fait à Bukavu, le 07 novembre 2005

Héritiers de la Justice.

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HERITIERS DE LA JUSTICE
Service des Eglises Protestantes pour les Droits Humains et la Paix
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