Le Ministère public requiert 3 ans de prison ferme contre le journaliste Patrice Booto : OLPA inquiet sur la protection des sources d’information au Congo-Kinsh
L’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), réseau africain d’experts juristes et journalistes volontaires pour la défense et la promotion de la liberté de la presse, informe l’opinion nationale et internationale que Patrice Booto Luafa (43 ans), éditeur des journaux « Pool Malebo » et « Le Journal », paraissant à Kinshasa (capitale de la R.D.Congo), a comparu le 22 mai 2006 devant le Tribunal de paix de Kinshasa/Assosa.
Au cours de cette audience, l’officier du Ministère public (OMP) K.Ilunga a rappelé que le journaliste est poursuivi pour trois chefs d’accusation, dont la diffusion des nouvelles fausses, l’offense au chef de l’Etat et l’outrage au gouvernement. Il accuse le journaliste d’avoir jeté l’opprobre et le discrédit sur ces institutions en publiant des fausses informations dans les éditions de Pool Malebo du 15 septembre 2005 et le Journal du 16 septembre 2005, selon lesquelles le gouvernement congolais aurait fait un don de trente millions de dollars Us à l’épiscopat de la République de Tanzanie pour son secteur éducatif, et qu’un membre influent du gouvernement congolais aurait détourné 80 bus au profit d’une compagnie privée installée dans ce même pays.
Le Ministère public a requis pour cela une peine plus forte de trois ans de prison ferme et une amende de 1000 dollars Us.
Son co-accusé Simon Nzuka Mapendo (47ans), supposé être la source d’information de P.Booto Luafa est poursuivi pour faux bruits pour avoir discuté avec Booto de cette même affaire dans les couloirs du Grand Hôtel de Kinshasa. Le Ministère public a requis une peine de 6 mois d’emprisonnement contre ce dernier et 500 $ Us d’amende, estimant que S.Nzuka Mapendo n’avait pas l’intention de donner ces informations en vue d’une publication dans la presse.
En outre, les deux accusés devraient payer solidairement des dommages-intérêts au chef de l’Etat congolais de l’ordre de 5000 $ Us pour tout le préjudice subi par lui. Le juge président du tribunal Nzewe a pris l’affaire en délibéré, promettant de rendre le verdict le 29 mai 2006.
La défense assurée par maître Kabongo Nzevu (pour P.Booto) et maîtres Ngonzi, Kabuangayi, Tshishimbi (pour S. Nzuka Mapendo) a soutenu que malgré la dissolution de la Cour de sûreté de l’Etat, les débats pouvaient être rouverts. Une démarche que le tribunal a rejetée estimant qu’il s’agit d’une nouvelle instance, parce que le Parquet de grande instance de Kinshasa/Kalamu l’a saisi par une requête aux fins de fixation d’audience du 13 avril 2006.
La défense de Booto a plaidé non coupable expliquant que plusieurs aveux ont été obtenus sous l’effet de la contrainte physique. Celle du co-accusé a aussi plaidé non coupable rejetant toute implication dans cette affaire.
De tout ce qui précède, OLPA exprime sa satisfaction en constatant que cette affaire connaîtra bientôt son dénouement. Il en est de même du déroulement du procès du 22 mai 2006 qui a paru plus ou moins juste et équitable malgré l’exclusion de la presse pour assurer une large couverture médiatique.
Il espère que le journaliste et son co-accusé vont recouvrer leur liberté de mouvement à l’issue de cette instance.
Toutefois, OLPA reste inquiet sur la protection des sources d’information en République démocratique du Congo, car ce procès constitue un précédent fâcheux qui risque de dissuader tout congolais détenteur d’une information de se confier à un journaliste, au risque de se retrouver en prison. OLPA invite donc les autorités congolaises à prendre des mesures nécessaires pour sécuriser les journalistes et leurs sources, conformément à la loi fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse du 22 juin 1996.
Back grounds : Patrice Booto Luafa a été arrêté le 2 novembre 2005 et déféré devant la Cour de Sûreté de l’Etat dissoute le 18 février 2006, pour les griefs évoqués ci-haut. L’affaire a été instruite et prise en délibéré le 14 février 2006. Son co-accusé bénéficie d’une mise en liberté provisoire.
