OLPA dénonce les pressions exercées par le GRET sur le quotidien Le Phare de Kinshasa

L’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), réseau africain d’experts juristes et journalistes volontaires pour la défense et la promotion du droit d’informer et d’être informé, dénonce les pressions exercées par le Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques (Gret) sur un quotidien indépendant de Kinshasa « Le Phare ».
Le Gret, une organisation internationale de solidarité et de coopération qui travaille pour le développement durable et la lutte contre la pauvreté, intervient en République démocratique du Congo (RDC) depuis 2003, dans le secteur de la presse où elle apporte un appui financier à quelques organisations des médias. Cette organisation s’obstine depuis le 15 mai 2006 à exercer d’importantes pressions sur le quotidien le Phare dont l’éditeur assume actuellement les fonctions de président de l’Observatoire des Médias Congolais (Omec), structure d’auto-régulation de la profession bénéficiant du soutien financier du Gret et de l’Institut Panos Paris pour son fonctionnement.

Le Gret, par le biais de son représentant en RDC M.Serge Bailly, a adressé le 15 mai 2006 une plainte à l’Omec contre le quotidien Le Phare et le journaliste indépendant Jean N’Saka wa N’Saka qu’il accuse de faire l’apologie de la violence et d’inciter à la haine contre les autres communautés vivant au Congo.

Cette plainte est consécutive à la publication par le Phare dans son édition n°2834 du 9 mai 2006 d’un article signé par le journaliste incriminé intitulé : « Obnubilés par mercantilisme et la négrophobie : les Belges remuent le poignard dans nos plaies ».
Après instruction de la plainte et l’audition de l’incriminé, l’Omec a appelé à ce dernier à plus de retenue et au sens de la mesure, dans sa décision du 8 juin 2006. Une décision qui ne semble pas avoir réjoui le représentant du Gret en RDC.

Serge Bailly est de nouveau revenu à la charge, lundi 19 mai 2006, en adressant une correspondance abondante et sévère au rédacteur en chef du quotidien qu’il accuse de nouveau d’incitation à la haine, pour avoir publié une analyse dans son édition n°2858 du 12 juin 2006 intitulé : « Un rapport scandaleux de l’Union européenne révèle un complot international contre la RDC ».
La rédaction du quotidien Le Phare reste stupéfaite par cette attitude d’un des bailleurs des fonds du secteur de la presse qui n’est pas cité personnellement dans les articles précités mais qui s’érige en organe de censure pour empêcher les journalistes d’exercer librement leur métier.

Eu égard à ce qui précède, l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA) est totalement surpris par l’attitude du Gret vis-à-vis d’un quotidien indépendant. OLPA condamne ces pressions qui constituent une entrave à la libre circulation de l’information et une tentative d’étouffer l’expression démocratique. La meilleure voie qu’aurait utilisée le Gret serait de se remettre aux instances de la profession reconnues par tous comme il l’avait déjà fait le 15 mai 2006, au lieu de s’arroger le pouvoir d’un organe de censure alors qu’il n’a aucun mandat, donc non habilité à le faire.

Soucieux de consolider les relations de partenariat entre les bailleurs des fonds et les acteurs de la presse congolaise, OLPA considère que le financement des associations professionnelles ne se réduit pas à l’inféodation des organes et des professionnels des médias aux dirigeants des organisations qui apportent du financement. C’est une attitude à bannir et la presse devra privilégier, à l’avenir, un partenariat qui consacre l’égalité des co-contractants et le respect mutuel de l’un vis-à-vis de l’autre.

En conséquence, OLPA saisit cette occasion pour exiger des structures de la profession telle que l’Omec, la Haute autorité des médias (HAM), l’Union nationale de la presse congolaise (UNPC) une définition claire et précise de différentes incriminations pour éviter l’usage abusif et intentionnel de certaines terminologies telles que l’incitation à la haine, les médias de la haine, l’incitation à la violence et autres.

OLPA souhaite que le représentant du Gret se conforme à la législation congolaise sur la presse et aux règles établies par ce corps de métier, afin d’éviter ce genre d’initiatives qui risque de ternir gravement son image et celle de son organisation dont les actions louables ne passent pas inaperçues.

OLPA rappelle enfin que la censure, d’où qu’elle émane, constitue une atteinte au droit d’informer et d’être informé garanti par les instruments juridiques nationaux et internationaux.