Uvira : encore une matinée agitée: Les populations protestent contre l’arrestation du Commandant local du groupe mobile de la Po
La Cité d’Uvira dans la province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo s’est encore réveillée ce mercredi 21/03/2007 dans un climat de tension populaire contre les autorités civiles militaires et policières à la suite de la propagation de l’information selon laquelle l’Inspection provinciale de la Police Nationale Congolaise (PNC) au Sud-Kivu, dont une délégation est descendue en urgence sur les lieux deux jours avant, a ordonné l’arrestation et acheminement à Bukavu, pour un motif non encore élucidé, du Commandant territorial du groupe mobile de la police, le Lieutenant-Colonel Elie Nyerere.
L’on se souviendra que les échauffourées de ce jour font suite à une autre manifestation populaire du lundi 19/03/2007 lorsque les habitants d’Uvira, exacerbés par des assassinats récurrents des cambistes se sont déchaînés contre des éléments locaux de la Police mobile. Ils ont réussi à ravir des mains des Policiers et à lyncher à mort deux de cinq présumés assassins du cambiste Patient Ruboneza abattu froidement à son domicile dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19/03/2007 au moment où ces agents de l’ordre les conduisaient au lieu de détention. Cette justice populaire qui s’observe de plus en plus au Sud-Kivu est consécutive à une impunité encrée dans le chef des autorités.
Les informations qui nous sont parvenues disent que feu Patient habitait le quartier Kakungwe et était marié et père de 6 enfants. Des mêmes sources, nous apprenons que les noms de cinq hommes présumés criminels sont : Ramazani Amisi, Bushire, Walumboka, Ndurumbu et Chance. Les deux derniers ont fait les frais de la justice populaire, tandis que les trois premiers ont été acheminés au lieu de détention par la PNC qui s’est frayée un chemin en tirant des balles en l’air pour disperser la foule en colère.
Hostile à cette décision l’Inspection provinciale de la police au Sud-Kivu d’arrêter l’officier précité, les habitants d’Uvira qui pensent que les autorités seraient complices de leurs bourreaux ont investi toutes les rues, bloquant ainsi toute circulation. Les ponts Mulongwe, Balekar et Kimanga ont été barricadés à l’aide des tuyaux retirés des entrepôts de la REGIDESO. Les magasins et d’autres lieux de commerce sont restés fermés. Des pneus ont été brûlés sur l’artère principale et nombreuses autres épaves de véhicules ont servi de barricades. Dans cette furie collective grandissante, le cachot connu sous le nom de « Mbwa mabe » situé à Mulongwe et les documents qui y étaient gardés ont, à l’instar de 3 habitations des présumés bandits, été complètement saccagés par les manifestants. Les détenus y gardés en ont profité pour s’évader.
Interrogé sur le détonateur de leur colère, un manifestant a déclaré : « Nous ne comprenons pas que cette fois les autorités soient vite descendues de Bukavu alors que, depuis plus de deux ans que ces gens (présumés criminels) nous tuent et les autorités gardent un silence qui frise la complicité avec nos bourreaux ». Un autre a dit : « Nous sommes lassés d’assister, impuissants, aux assassinats de nos enfants. Si les bandits ont la force des fusils, la population est plus forte dans son unité. Nous devons nous prendre en charge et nous avons commencé ». Plus radical, un troisième habitant d’Uvira a martelé : « Nous avons le devoir de nous protéger et nous sommes prêts pour pourchasser tout criminel jusque dans son dernier retranchement en attendant que l’Etat mette réellement fin à la récréation comme l’a promis le Président de la République ».
D’autres sources disent que cette population perd de plus en plus confiance dans ses autorités car, selon elles, celles-ci ne tiennent pas parole : « Des multiples concertations que nous avons eues avec les autorités civiles, militaires et policières territoriales et provinciales lundi et mardi, elles nous avaient assuré que le Colonel Nyerere sera maintenu à Uvira et renforcé par d’autres éléments pour qu’il en vienne à bout de la criminalité qui a élu domicile dans la cité », a révélé avec un air aigri un cambiste. Il a poursuivi en ces termes : « Nos autorités sont capables de dire une chose et de faire immédiatement son contraire, ce que nous ne devons pas continuer à cautionner ».
Quant à la question de savoir ce qui peut apaiser la situation, des manifestants contactés ont dit qu’ils réclament aux autorités quatre choses notamment :
- « le maintien en prison de trois autres présumés criminels, la recherche des autres désignés par ceux-ci et leur jugement rapide dans un procès public qui rassure la population ;
- l’envoi au centre de brassage de toutes les troupes non encore intégrées car il ne se comprend pas la récurrence des cambriolages nocturnes ciblés au moment où les patrouilles militaires et policières auraient été renforcées ;
- le changement de certaines autorités dont les attitudes et propos sur la question de la criminalité à Uvira prêtent à controverse et ambiguïté ;
- le maintien de l’actuel Commandant du groupe mobile de la police nationale et le renforcement de ses effectifs par d’autres éléments dévoués, à l’instar de ceux déployés à Bukavu l’année passée lorsque le banditisme y avait atteint son paroxysme. Aussi, demandons-nous que certains autres chefs de la police, notamment ceux qui gèrent les lieux de détention soient permutés ».
Face à tout ce qui précède, l’asbl Héritiers de la Justice invite les autorités congolaises à diligenter sans délai une enquête en vue d’établir les responsabilités dans le cas d’espèce et que cette fois-ci les résultats soient publiés. Cela aura l’avantage de sonner le glas de l’impunité à Uvira et de dédouaner les autorités de tout soupçon de complicité avec les malfrats. Ce qui pose à nouveau la nécessité impérieuse de réhabiliter l’appareil judiciaire congolais à tous les niveaux.
Aussi, avec le regain des cas de cambriolages et d’assassinats des civils non armés dont les cambistes deviennent la cible privilégiée des bandits à main armée un peu partout dans la province du Sud-Kivu, l’Association demande aux autorités, en ce début de la troisième république, de remettre les pendules à l’heure.
Vu que la RDCongo est l’un de rares pays à travers le monde où l’argent se change à ciel ouvert, Héritiers de la Justice exige l’encadrement des cambistes par la banque, à travers les bureaux de change dûment identifiés et contrôlés par l’Etat. Il y va de la sécurité des cambistes et de leurs clients mais aussi de la stabilisation de la monnaie nationale.
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