RAPPORT DE LA MISSION EFFECTUEE A L’EST DE LA RD.CONGO :BUKAVU et GOMA. En date du 05.04 au 10.04.2007 par l'ONG Human Rescue.
Analyse de la situation au Sud-Kivu et au Nord Kivu
Notre pays, la RDC, a commencé à vivre son énième calvaire depuis le mois d’octobre 1996. Cette période de triste mémoire est connue par nous tous comme début de la guerre de l’AFDL qui s’était présentée comme l’unique sauveur du peuple zaïrois contre la dictature du Maréchal Mobutu.
Commencée au sud Kivu, la guerre s’est étendue à tout le pays jusqu’à la soit disant libération totale. Malheureusement, quelque temps après, la 2ème guerre commençait avec toute son atrocité particulièrement accentuée au sud Kivu et au nord Katanga. Je ne veux pas signifier ici que les autres provinces de l’est de la RDC n’ont pas connu des atrocités ! Loin de moi une telle déclaration.
Le Sud Kivu et le Nord Kivu ont malheureusement quelque chose en commun dans cette guerre : les mêmes acteurs, les mêmes stratégies parce que animés pour la même cause. Le péché commis par les peuples du Sud Kivu et du Nord Kivu est celui d’être nés dans des zones convoitées par nos voisins ou retenues par certains d’entre eux comme leurs propriétés données par le Très-Haut. La résistance qui s’en est suivie a eu comme conséquence la misère qui s’est abattue sur les femmes et les enfants, le cible faible.
1. Au Sud-Kivu
Depuis août 1998, début de la 2ème guerre, nous avons enregistré partout des nombres impressionnants des victimes : des femmes violées en public souvent par des dizaines d’hommes, des femmes torturées et tuées après être violées et tout cela devant les pauvres enfants qui ne devaient ni pleurer ni faire une réaction quelconque sous peine de recevoir une balle dans leur petite tête…Que dire de nos sœurs qui ont été enterrées vivantes sous prétexte d’être des sorcières? Toutes ces choses absurdes ont été exécutées au vu et au su du monde entier mais sans avoir été condamnées énergiquement comme on le fait dans d’autres coins du monde ! D’ailleurs, certains de ces grands qui dirigent aujourd’hui l’univers se sont limités à dire : « C’est la guerre ! C’est normal que ces choses arrivent !». Donc, tout ce qu’on peut faire au Congo doit être considéré normal ! C’est seulement un constat, mon constat !.
Partout, les hommes en armes se sont acharnés sur le corps féminin. Pouvons-nous savoir pourquoi ? Personne ne pourra jamais nous donner une réponse satisfaisante à cette question !
Au Sud-Kivu, les femmes ont été violées, pendant la guerre, par les Tutsi Rwandais, les Hutu Rwandais, les Tutsi Burundais, les militaires du RCD, les militaires de l’ex-armée de Mobutu et enfin les combattants Mai-Mai. Tous ces hommes faisaient la loi avec leurs armes et donc l’impunité régnait et continue, malheureusement, à régner.
Le viol a été utilisé chez-nous, comme dans toutes les guerres modernes, comme arme de guerre mais la chose spéciale c’est que au Sud-Kivu il a été utilisé comme arme biologique. Les violeurs devaient être bien sélectionnés : ils devaient être séropositifs ou atteints de Sida. Voilà pourquoi nos zones rurales qui, jadis, ne connaissaient pas la maladie du siècle sont aujourd’hui les plus atteintes et n’ont pas accès aux Anti-Rétroviraux !
A cela s’ajoute, les violences sexuelles exercées sur les hommes par d’autres hommes ! Du jamais entendu dans l’histoire de notre pays. Après la guerre, le viol se trouve désormais infiltré dans la société sud-kivutienne et les conséquences sont gravissimes. Aujourd’hui, beaucoup de garçons violent leurs compagnes à l’école. Les enseignants ne savent rien faire ou ne veulent pas se mêler des histoires qui peuvent leur coûter cher tandis que les parents se limitent à résoudre le problème à l’amiable, disent-ils, en faisant payer les parents du garçons une amende de 200 à 300$. Après cette amende, le traumatisme de la fille peut-il être considéré terminé ? La fille reste et restera toujours l’éternelle victime soumise aux décisions familiales si quelque chose ne sort pas de nous les femmes,les hommes et les jeunes du Sud Kivu !
A cela s’ajoute, les violences sexuelles exercées sur les hommes par d’autres hommes ! Jamais entendu dans l’histoire des populations de la RDC et en particulier à l’est. Ces hommes sont refoulés des ONG et de l’hôpital de Panzi qui est censé soigner les victimes des violences sexuelles. Ils ne peuvent soigner que les femmes car les financements qu’on leur octroie ne concerne que les femmes. C’est la traumatisation des traumatisés !
Les violences sexuelles ont été toujours combattues dans nos coutumes du Sud-Kivu et l’homme qui se permettait de violer une fille ou une femme d’autrui était toujours sévèrement condamné par la communauté. Avec la guerre, nous avons assisté à des scènes jamais vu chez-nous ! Aujourd’hui elles sont monnayées. Nos coutumes sont en train d’être piétinés au vu et au su de tout le monde, quel sacrilège !
2. Au nord Kivu
Au Nord Kivu, les choses ont été et continuent à se présenter d’une façon plus préoccupante encore. Tandis que au Sud-Kivu les femmes étaient principalement violées par les étrangers, au nord Kivu les femmes ont été, depuis le début de la guerre, à la merci de tout le monde et en premier lieu, les fils du pays.
Elles étaient violées par les étrangers, par leurs maris, leurs frères, leurs fils et même par ceux qui étaient sensés les protéger, les agents de l’ordre ! C’est le comble ! Les femmes étaient violées donc par les INTERAHAMWE, les Burundais, les Rwandais, les Civils congolais, les militaires et policiers congolais et surtout par les Pygmées! Quelle chaîne infinie !
Comme si le traumatisme qui s’appelle « viol » ne suffisait pas, plusieurs hommes du Nord- Kivu continuent encore à répudier leurs épouses lorsqu’ils découvrent que celles-ci ont été violées par des Pygmées ! Ces femmes ont-elles les loisirs de choisir leurs bourreaux, leurs violeurs ? Par qui ces chers maris voudraient-ils ou préféreraient-ils que leurs femmes soient violées ? Avec tout ceci, comment pouvons-nous définir aujourd’hui la femme du nord Kivu et quel statut pouvons-mous lui donner ? Est-elle devenue une chose, une saleté, une paille ?
La femme du Nord Kivu peut-elle et doit-elle perdre sa valeur comme ça puisque Messieurs les hommes viennent injustement de le décider ? On la viole comme on veut, on la répudie puisque elle a été violée et on fait tout pour qu’elle soit oubliée même par ses propres enfants !
Aujourd’hui, les problèmes engendrés des viols sont très nombreux et sont en train de détruire notre société. Les familles sont séparées : le papa prend sa route, la mère devenue la honte, la risée de tout le monde et les enfants qui sont devenus des enfants sans valeur.
D’autre part, que faire des enfants qui sont nés des viols ? Nos pauvres, chers enfants nés sans amour et qui n’appartiennent à personne, même pas à leurs mamans qui les ont portés dans leur sein pendant 9 mois ! Le problème est très sérieux ! Il implique l’éthique et surtout la bioéthique, la morale, le civisme…
L’ONG Nationale Human Rescue/RDC accompagne ces victimes des violences sexuelles en utilisant la psychothérapie adaptée a nos réalités sud-kivutienne et congolaises en général. Toutefois, afin que toute la population victime soit aidée, l’ONG Human Rescue/RD.Congo, seul, ne peut pas tout faire, il a besoin de la participation de tous les composants de notre société : « Autorités politico-administratives, Autorités militaires, Eglise Catholique, Eglises Protestantes et Musulmanes, Organismes Internationaux, ONG locales et internationales, Chefs de collectivités et des quartiers, Enseignants, Pères et Mères des familles et surtout du Gouvernement Congolais. « Unissons toutes nos forces, toutes nos énergies pour stopper cette tempête impétueuse qui risque de nous emporter TOUS !!! ».
C’est seulement à cette condition que nous pouvons laver notre honte devant le monde entier et surtout devant nos enfants et les générations futures.
Conséquences des violences sexuelles
1. Grossesse
Il est, en général, très difficile de supporter la grossesse eue d’un homme que l’on n’aime pas
Même si c’est un ami.
Il est encore plus dur et presque impossible de supporter la grossesse d’un ennemi et d’accepter son produit, l’enfant. Que faire ?
Répudiation.
Plusieurs hommes n’acceptent pas d’accueillir au foyer marital leur femme après que celle-ci ait été victime des violences sexuelles opérées disent-ils par leurs ennemis ou par des hommes qu’ils méprisent. Tel est le cas de plusieurs hommes dont les épouses sont enregistrées à travers plusieurs Structures parce qu’elles sont victimes des viols perpétrés par des rwandais Hutu ou Tutsi ou bien des Mai-Mai comme au Nord-Katanga.
2. Maladies sexuellement transmissibles
Les maladies sexuellement transmissibles (MST) sont les conséquences directes du viol. Nombreuses sont ces maladies mais les plus courantes chez-nous sont : la blennorragie, trichomoniase vaginale causée par le trichomonas vaginalis et le VIH/SIDA. Ces trois maladies peuvent se développer dans l’organisme féminin sans que la femme le sache. Quand la maladie commence à se manifester cela veut dire qu’elle se trouve à un stade bien avancé.
a) La blennorragie se manifeste d’une façon aiguë chez l’homme et pas chez la femme à cause de la différente conformation des organes génitaux de deux sexes. Si elle est soignée à temps, cette maladie guérit. Mais si on la néglige, ses conséquences sont souvent graves et peuvent causer la stérilité secondaire.
b) La trichomoniase vaginale se développe en sourdine comme la blennorragie. Ces deux maladies ont presque les mêmes conséquences. L’unique différence caractéristique est l’odeur très désagréable que l’on sent chez les femmes avec la trichomoniase vaginale.
c) Le VIH/SIDA est la soi-disant maladie du siècle qui est en train de semer des milliers des victimes dans notre continent africain. La RDC est parmi les pays africains les plus touchés. Cette maladie était inconnue dans nos zones rurales avant 1996. La guerre qui a trop duré dans notre territoire a parmi ses conséquences fâcheuses la diffusion de la séropositivité et de la maladie Sida chez-nous suite à des viols multiples souvent utilisés comme arme de guerre et arme biologique.
Statistiques
Les femmes violées enregistrées dans les trois centres de Bukavu, Goma et Uvira sont 780 dont 55 jeunes filles et 15 hommes.
Avec la sensibilisation dans les zones restées dans l’insécurité il y a quelques mois, les chiffres vont, sans doute, augmenter.
Pour la Coordination Nationale de l’ONG Human Rescue/RD.Congo, à Kinshasa
William Bumba
Coordonnateur National et Consultant au sein de l’Organisation Internationale pour les Migrations en sigle OIM.
Docteur Colette Kitonga, Chargée du Programme Gender et Consultante.
Tél. : 00243 9 98906684.
00243 898069350
Web : www.societecivile.cd/node/535
