Conférence de presse du RSSG, M. William Swing à Goma, 30 juillet 2007

Mesdames et Messieurs, bonjour. L’objet de ma visite au Nord Kivu était de venir me rendre compte sur le terrain de l’évolution de la situation dans la province, en particulier de la situation humanitaire, de rendre visite à certains déplacés du Rutshuru, et de m’entretenir avec les autorités civiles et militaires de la province, ainsi qu’avec la MONUC et la communauté humanitaire.

La situation humanitaire au Nord Kivu est grave. Comme vous le savez, il y a depuis un certain temps une forte augmentation du nombre de déplacés internes, du nombre de violations de droits humains et des tensions inter communautaires. Les combats multiples ont causé un grand nombre de déplacements forcés dans la province. Le Nord Kivu compte aujourd’hui quelque 640.000 déplacés internes, soit 40 % de plus qu’avant la crise de Sake, en novembre 2006. La majorité de ces déplacés se trouvent dans les territoires de Rutshuru, de Masisi et de Lubero. Nous faisons de notre mieux pour répondre à cette situation, et pour faire en sorte que ce nombre ne grossisse encore.

Récemment, outre la MONUC, le Secrétaire général des Nations Unies, le Conseil de sécurité, l’Union européenne et bien d’autres encore, ont clairement exprimé leurs inquiétudes, et ont plaidé auprès du Gouvernement congolais en faveur de solutions pacifiques à la situation actuelle, dans le cadre d’une approche globale, qui comprenne notamment un dialogue inclusif.

Malgré le travail remarquable de la communauté humanitaire, aujourd’hui, lors de notre visite aux déplacés de Rutshuru, nous avons constaté que les conditions de vie des déplacés et la durée de leur séjour loin de chez eux sont inacceptables. L’espace humanitaire doit à tout prix être préservé et l’accès aux populations vulnérables doit être à tout prix assuré.

La MONUC n’a pas de mandat plus important que celui de la protection des civils, non seulement celle des personnes déplacées mais aussi de la population toute entière, dont une importante partie continue de vivre dans l’insécurité. Nos troupes sont sur le terrain, et nous venons de les renforcer par des contingents uruguayens, sénégalais et sud africains. Cependant, les Casques bleus ne peuvent être partout, à tout moment. Ils ne sont pas assez nombreux. Ils font de leur mieux pour appuyer le Gouvernement congolais à qui incombe la responsabilité première de sécurisation des populations.

Nous continuons à redoubler d’efforts pour que les groupes armés étrangers quittent le territoire congolais, et à appuyer le gouvernement dans sa tache de finalisation du brassage et de l’intégration des troupes FARDC. Pour résoudre les problèmes qui demeurent irrésolus dans les Kivu, et sont à la base de l’insécurité persistante, il est indispensable d’adopter une stratégie globale, multidimensionnelle et régionale. Il convient d’épuiser tous les moyens politiques et diplomatiques possibles.

Dans ce cadre, tout doit être fait, pour que les déplacés et réfugiés puissent rentrent chez eux, que les violations cessent et que les 5 à 6000 FDRL encore présents rentrent dans le processus de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinsertion et réintégration (DDRRR) de la MONUC. Depuis près de 4 ans, la MONUC a rapatrié quelque 15.000 ex combattants étrangers dans leur pays d’origine, dont deux tiers de combattants FDLR et leurs dépendants. Il en reste 5 à 6000, comme je l’ai dit, et la MONUC leur lance un appel pressant pour qu’ils rejoignent son programme DDRRR.

Questions-réponses :

AFP : Ma première question porte sur votre visite aux déplacés, ce jour. Vous revenez de Rutshuru ou vous avez vu les conditions de vies inacceptables dans lesquelles vivent les populations déplacées. Lors de votre retour de Kinyandonyi vers Rutshuru, votre convoi a été bloqué par les déplacés de, que vous aviez visités il y a deux mois, à Nyanzale, et qui protestaient contre la persistance de l’insécurité depuis votre visite, accusant la MONUC de ne pas avoir tenu ses promesses. Ma deuxième question concerne la situation sécuritaire dans la province qui demeure tendue. Il y a des morts tous les jours, la MONUC semble vraiment préoccupée par la situation actuelle. Mais n’a-t-elle pas les moyens de régler cette situation?

William Swing : S’agissant de votre première question, effectivement, nous avons été bloqués, lors de notre retour de Kinyandonyi, par les déplacés de Nyanzale, a qui j’avais rendu visite il y a deux mois. Ils ont dit qu’ils ne voulaient plus de visites, plus de promesses non tenues, qu’ils voulaient rentrer chez eux. Je me suis arrêté et leur ai parlé. Je leur ai dit que je comprenais pleinement leurs frustrations. Je ne leur ai pas fait de promesses et je m’abstiens toujours d’en faire, car on ne peut pas toujours tenir ses promesses. Et je n’ai pas de réponses à leur question, à savoir, quand pourront ils rentrer chez eux. Je leur ai expliqué que j’étais solidaire de leur souffrance, que mes visites m’aidaient à mieux comprendre leurs problèmes, et que cela était important. Que nos Casques bleus vont rester auprès d’eux pour continuer de les protéger. La situation au Nord Kivu est de loin la plus complexe de la RDC. Il y demeure un grand nombre de combattants étrangers, et un grand nombre de problèmes non résolus. En ce qui concerne votre deuxième question. Je comprends les frustrations des populations du Nord Kivu. Il est vrai que la MONUC est la plus grande mission de maintien de la paix dans le monde. Mais si vous prenez la grandeur du pays et le nombre de casques bleus dont nous disposons, c’est en fait la plus petite mission de maintien de la paix au monde. Nous avons pour tout le pays le même nombre de casques bleus que ceux dont la mission en Sierra Leone disposait. Et le Congo est 24 fois plus grand que la Sierra Leone… En outre, je voudrais aussi insister, une fois de plus, sur une chose importante : Il ne faut pas confondre le rôle de la MONUC et celui du Gouvernement congolais. Nous sommes ici pour appuyer ce dernier, nous ne pouvons nous y substituer. Et sincèrement, nous sommes frustrés de ne pas pouvoir faire plus que ce que nous ne faisons.

Deutsche Welle : Pourquoi encore une visite dans le Rutshuru et pas dans le Masisi oui dans d’autres territoires, notamment le Nord, ou il y a également beaucoup de déplacés ?

William Swing : Je tiens à présenter mes excuses aux populations déplacées des territoires de Masisi de Lubero et des autres territoires de cette province. Si j’ai rendu visite aux déplacés du Rutshuru, à la demande de mes collègues humanitaires, c’est parce que c’est dans ce territoire qu’il y a le plus grand nombre de déplacés. Je vais tenter le plus rapidement possible de me rendre aussi à Masisi et ailleurs.

Bloomberg : Est-ce que la MONUC se prépare à des opérations militaires contre Laurent Nkunda ?

Nous échangeons régulièrement avec le Gouvernement et lui communiquons nos suggestions et pistes pour des solutions pacifiques aux problèmes actuels. Nos troupes sont ici principalement pour remplir leur mandat de protection des populations civiles.

Syfia Grands lacs : Vous avez insisté sur le fait que vous alliez poursuivre vos efforts de désarmement et de rapatriement volontaire des combattants étrangers, en particulier FDLR. Quelle action de plaidoyer menez vous envers le Rwanda pour qu’il accepte ces ex combattants ?

Notre programme DDRRR existe depuis 4 ans. Comme je l’ai déjà dit, quelque 15.000 ex combattants étrangers et leurs dépendants ont transité par ce programme, dont 2/3 étaient des FDLR et leurs dépendants. Ce programme est un programme de désarmement et de rapatriement volontaire. Lorsque les combattants que nos équipes sensibilisent acceptent de le rejoindre, nous les sécurisons et les ramenons au Rwanda, ou ils sont pris en charge par la Commission nationale rwandaise de désarmement et réinsertion, programme soutenu par la Banque mondiale. La volonté de les accueillir existe. Le problème se situe au niveau des commandants FDLR qui sont sur le sol congolais et empêchent le gros des troupes de rentrer via le programme DDRRR de la MONUC. En fait, ils gardent en otage la masse des combattants car ils savent qu’eux-mêmes devront faire face à la justice et au Tribunal d’Arusha. La grande partie des combattants FDLR veulent rentrer. Ce sont leurs chefs qui les en empêchent. Pour tenter d’accélérer le processus, nous allons renforcer la présence de notre section DDRRR au Nord Kivu.

CVV : J’ai récemment effectué une patrouille avec les Casques bleus de la MONUC dans le Nord Kivu. Les populations se plaignent du comportement des Brigades mixées. Dans le cadre du partenariat MONUC/Gouvernement, qu’est ce que la MONUC a proposé par rapport aux troupes mixées?

La MONUC ne mène aucune opération avec les Brigades mixées. Il n’est pas question de mener quelque opération que ce soit, ou d’appuyer la formation de ces brigades tant qu’elles ne sont pas intégrées. Nous ne travaillons qu’avec les Brigades intégrées.

Pour la Coordinnation Nationale de l'ONG Human REscue/RD.Congo,
Madame Chantal Nyota,
Chargée des Communications à la Coordinnation Nationale.
Web:www.societecivile.cd/node/535