COMMPRESSE N°PF-KAF/003/RDC-AFRICA2009 SUR LA DEMISSION DU PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE NATIONAL Vital Kamerhe

Communiqué de presse numéro PF-KAF/003/RDC-AFRICA2009 concernant la démission du président de l’Assemblée Nationale Vital Kamerhe, le 25 mars 2009
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Après plus de trois mois depuis le début des opérations militaires conjointes (RDC-SOUDANT-OUGANDA d’une part et RDC-RWANDA.CNDP-PARECO d’autre part) qui ont débuté à la mi-décembre 2008, la fondation KAF est très préoccupée par certaines conséquences de ces opérations sur la violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire (Cf. CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DE L’ONU, Rapport A/HRC/10/59 conjoint de sept procédures spéciales thématiques sur l’assistance technique au Gouvernement de la RDC et l’examen urgent de la situation dans l’est du pays du 05 mars 2009, Genève 2009, p. 22 par. 26-29 ; Linda Milazzo et Georgianne Nieaber, How the U.S. can make partial amends for its negligence during the Rwandan Genocide du 18 février 2009, in : www.alternet.org/story/127442 et Human rights Watch, RD Congo : Plus de cent civils massacrés par les rebelles rwandais) et la violation flagrante de la Constitution.

Selon le préambule de la Constitution de la RdCongo(www.presidentrdc.cd/institutions.html), depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des Institutions et de leurs animateurs.

En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue intercongolais, ont convenu, dans l’Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles.

A l’effet de matérialiser la volonté politique ainsi exprimée par les participants au Dialogue intercongolais, le Sénat, issu de l’Accord Global et Inclusif précité, a déposé, conformément à l’article 104 de la Constitution de la transition, un avant-projet de la nouvelle Constitution à l’Assemblée nationale qui l’a adopté sous forme de projet de Constitution soumis au référendum populaire. La Constitution ainsi approuvée garantit, en ses articles 23 et 24, la liberté d’expression en ces termes : « Toute personne a droit à la liberté d’expression.

Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs. En outre, toute personne a droit à l’information.

La liberté de presse, la liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui »

Comme on le voit, la liberté d’expression est la faculté d’émettre ou de répandre sans contrainte un jugement de valeur sur toute chose, d’en prendre connaissance et de rechercher les informations (art. 19 Pacte ONU II et 9 CADHP), les idées et les opinions.

L’article 9 par. 1 CADHP inclut dans cette définition le droit de répandre ses idées ou ses opinions dans la langue de son choix . Cette disposition garantit aussi le droit d’accéder aux informations et de les mettre à jour ou de corriger des informations personnelles détenues par des tiers (Etat ou des privés) .

La liberté d’expression inclut enfin, la liberté d’exprimer ses opinions qui peuvent comporter un jugement de valeur (fruit d’un raisonnement ) comme les convictions (une opinion fortement ancrée, une certitude à laquelle un individu est très attaché ) religieuses, politiques, philosophiques, etc , des prises de position teintées de subjectivité et de partialité qui peuvent heurter, choquer ou inquiéter l’Etat ou une fraction quelconque de la population . Dans ce sens, nous pouvons conclure que le débat politique , le discours commercial et la publicité constituent des opinions ou des idées (une représentation intellectuelle distinguée des phénomènes d’affectivité ou d’activité) dont l’expression est protégée par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles garantissant la liberté d’opinion. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’adhésion à un parti ou idée politique, choisir un vêtement de telle ou telle couleur en fonction de ce qu’on croit comme étant beau.

C’est ce que la majorité présidentielle reproche au citoyen-député-président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe au mépris de l’esprit du préambule de Constitution (mettre fin à cette crise chronique de légitimité et à l’instabilité politique) et de l’importance de cette liberté fondamentale pour le fonctionnement de la démocratie naissante en RDC. En effet, cette liberté d’expression est l’un des fondements essentiels de la société démocratique et l’un des meilleurs indicateurs du caractère démocratiquement libéral d’une société . En effet, « tout glissement vers l’autoritarisme se traduit immanquablement par des restrictions (…) apportées à la liberté d’expression ; inversement, la conquête de la liberté passe au premier chef par celle de la liberté d’expression » . Aussi la négation de la liberté d’expression prélude à d’autres exactions . Les cas des régimes d’occupation à l’instar de ceux de l’occupation rwando-burundo et Ugandaise en 1996-2003 avec des millions de morts, des milliers des femmes violées et des massacres systématiques des populations civiles.

C’est cette négation de la liberté d’expression qui est consacrée par la démission forcée du Président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe pour avoir déclaré, à la radio Okapi, le 21 janvier 2009 : «Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit et je crains que le Congo ait conclu un marché de dupes. Voici que l’armée rwandaise a été autorisée à manœuvrer au Nord Kivu et au Sud Kivu, tandis que l’armée ougandaise mène déjà des opérations en Province Orientale contre l’Armée de résistance du Seigneur, la LRA…C’est comme si nous étions ramenés aux débuts de la première guerre, en 1996, lorsqu’avaient été conclus les fameux accords de Lemera entre Laurent Désiré Kabila et ses alliés du moment, le Rwanda et l’Ouganda… ».

Cette crainte n’est-elle pas légitime surtout qu’à l’époque, le Rwanda et l’Ouganda sont intervenus militairement sous l’égide de l’AFDL, RCD, MLC et autres groupes armés sur le territoire congolais pour neutraliser leurs opposants, mais en fait, ils voulaient accéder aux ressources du Congo et être présents dans les structures politiques congolaises. C’est pour mettre fin à cela que le 27 juillet 1998, Laurent Désiré Kabila avait exigé le départ de James Kabarebe, qui, à l’époque, était chef d’état major de l’armée congolaise ! Le 2 août, le même Kabarebe avait entamé la guerre à l’Est. Et le voilà qui revient maintenant au Kivu, avec l’accord actuel ?

Force est de constater que, selon l’article 213 Cst., le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux et que le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à ratification après délibération en Conseil des ministres. Il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat. En outre, l’article 214 Cst. dispose que les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi et que Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais consulté par voie de référendum.

En l’espèce, il s’agit d’un accord relatif au règlement des conflits internationaux qui nécessitait la ratification en vertu d’une loi adoptée par le Parlement et la publication au Journal officiel (art. 215 Cst.) pour déployer des effets sur le territoire congolais.
Dans le cas des Accords précités au paragraphe premier ci-dessus, nous n’avons aucune preuve de l’existence de la loi autorisant la ratification et de la publication de ces accords avant leur entrée en vigueur.

Eu égard à ce qui précède, en ayant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une querelle byzantine entre les membres de la majorité présidentielle, la fondation KAF :
1. Condamne l’éviction du président de l’Assemblée nationale pour une opinion exprimée et qui est couverte par la liberté d’expression ;
2. Exige le respect de la séparation des pouvoirs, de la liberté d’expression et de l’esprit de la Constitution garantie par son préambule;
3. Prend acte de l’attachement des partis de la majorité à la conséquence des actes des animateurs des institutions en espérant qu’ils vont pousser à la démission les négociateurs et les signataires desdits accords inconstitutionnels et lever leur immunité pour répondre des actes contraires aux droits de l’homme et au droit international humanitaire perpétrés durant ces opérations ;
4. Recommande au Gouvernement de la RDC et au Parlement de ne pas adopter la loi d’amnistie en faveur des criminels de guerre dans les Kivu et de la Province orientale ;
5. Exige l’indemnisation de toutes les victimes de ces opérations et la sécurité de tous les habitants de la partie Est de la RDC, sans discrimination aucune ;
6. Recommande l’accélération de l’extradition de Nkundabatware en RDC et son transfèrement en compagnie de tous les supérieurs hiérarchiques de CNDP et d’autres mouvements insurrectionnels ayant commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre à la CPI selon l’esprit de la lettre du Président Kabila à la CPI de 2004.

Fait à Genève, le 27 mars 2009
Ambroise Bulambo (Lawyer)

Président et Fondateur


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