La Démocratie sous toutes les latitudes.
QUI PEUT PRETENDRE ENSIEGNER LA DEMOCRATIE?
Tout le monde connaît la définition du terme “ Démocratie ” !
Nous allons l’illustrer par quelques dessins et la commenter ensemble.
Après cet échange fructueux, nous sommes tous donc d’avis maintenant que la démocratie constitue un système de valeurs universelles et le mode de coexistence le plus approprié pour que “ l’homme cesse de se comporter comme un loup pour son semblable, et pour que les peuples, les races et les classes vivent enfin en paix, sinon en harmonie ” ( ).
Les comportements démocratiques doivent se façonner sur les bancs des écoles, des lycées et des universités. Il convient d’initier les jeunes gens et jeunes filles aux valeurs de tolérance, de respect d’autrui, d’égalité, des droits fondamentaux communs à tous les êtres humains, de liberté enfin, avant qu’il ne soit trop tard ; c’est–à-dire avant que les groupes sociaux ou les intérêts politiques, les idéologies laïques ou religieuses, les coercitions professionnelles ou familiales, les plans de carrière, les défis économiques ou les problèmes de survie quotidienne ne les phagocytent et les pervertissent.
“ En d’autres termes, avant que l’instinct de protection ou d’extension de territoire, commun à toutes les espèces vivantes n’occupent dans les esprits la place qui doit revenir à la conscience, proprement humaine, d’appartenir à une communauté mondiale dans laquelle les frontières ne seraient plus que des symboles. Pour que l’homme, dans l’ordre naturel, se distingue par sa capacité à se dépasser lui–même et s’organiser en société, il importe avant tout de lui faire prendre conscience qu’il a une conscience ” ( )
Notre avis est que dès l’enfance, il faut enseigner que la tribu n’est pas tout l’univers ; que le voisin n’est pas forcément un ennemi à combattre ; qu’aucun peuple n’est plus particulièrement élu par Dieu ; que les riches doivent, dans l’intérêt général, partager leurs ressources et leur savoir–faire avec les pauvres ; que les rois ou les chefs d’Etat ont la même physiologie que les paysans ou les ouvriers, et donc les mêmes besoins et contraintes ; que telle religion est aussi respectable que telle autre ; qu’un seul homme même appuyé par un clan, une coterie, un groupe d’intérêts, ne peut impunément asservir des milliers d’autres ; que la couleur de la peau, le sexe, le niveau d’éducation ou le revenu annuel ne doivent plus désormais faire l’objet de discriminations – tous les hommes étant en principes égaux en droit, ayant tous la même dignité, ainsi que les mêmes devoirs envers leurs semblables.
Voici une anecdote à propos de la définition de la démocratie par rapport aux droits dont chacun de nous doit jouir, normalement.
Il était une fois six professeurs, doctes, compétents et dévoués, chacun à sa manière, venus des quatre coins du monde pour confronter leurs expériences, leurs réflexions, et échanger leurs points de vue sur la meilleure façon d’enseigner ce qui, bien loin d’être une ‘matière classique ” comme les mathématiques ou la géographie, semble devoir échapper à toute pédagogie : LA DEMOCRATIE.
Tous s’interrogeaient : Comment allait–on procéder ?
A l’école, comment montrer aux enfants que le chétif ou le timide, qui préfèrent, dans la cour de récréation, jouer aux billes ou simplement se promener, ont autant de droits – autant d’existence – que l’extraverti ou le sportif qui occupent l’ensemble du territoire collectif avec une partie de football? Comment expliquer à celui dont le père est plus riche que le père de son voisin, ou dont la peau est plus claire, qu’ils sont en fait parfaitement égaux, une fois entrés dans l’école ?
Au lycée, comment habituer les meilleurs élèves à ne pas écraser les moins bons, et enseigner à tous que la micro–société que représente la classe ou l’école, préfigure toutes les autres formes de vie sociale qu’ils auront à connaître ?
Celui assis au fond de la classe, occupé à regarder par la fenêtre les oiseaux perchés sur les touts des maisons voisines, est–il inférieur – humainement parlant – à celui du premier rang qui a réponse à tout ?
Enfin, à l’Université, comment préparer les étudiants à jouer un rôle actif dans le maintien de la démocratie là où on la connaît déjà ? Dans sa consolidation là où elle est encore balbutiante ? Dans sa mise en place là où elle est inexistante ?
Celui qui en sort, bardé de diplômes, sera–t–il tenté de régir le sort des autres, moins éduqués, a son seul profit, pour satisfaire le sort des autres, moins éduqués, à son avantage, pour satisfaire sa soif de pouvoir ? Ou au contraire, essaiera–t–il d’employer son savoir–faire pour améliorer les conditions de vie des autres ?
Nos professeurs s’interrogeaient comme vous l’auriez fait, sans doute. Mais, tout en examinant les méthodes pédagogiques appropriées, il fallait d’abord s’entendre sur une définition de la Démocratie.
Le premier, éminent professeur britannique dans un collège privé, ouvrit ainsi les débats : “ Moi, j’enseigne individuellement, à chacun de mes élèves, que les fondements de la démocratie sont le sens critique et la remise en question. Je souligne, avec John Stuart Mill , l’importance de l’autonomie de l’individu et je montre que la volonté de la majorité est souvent tyrannique ”.
Le deuxième, un Conseiller Pédagogique faisant autorité dans les hautes écoles parisiennes, dit : “ La démocratie ne peut se réaliser que dans un Etat de droit, où les lois émanent de la souveraineté populaire et où les droits de l’homme définis par la Déclaration de 1789, puis par celle de 1948, sont respectés comme valeur de référence. Nous enseignons ces textes à nos enfants dès l’âge de 12 ans ”.
Le troisième, un érudit moscovite, fit observer : “ Chez nous, les conseils d’école, composés d’élèves, de professeurs, de parents et de représentants des collectivités locales, ont longtemps imposé des programmes autoritaires. Nous mettons actuellement en place ces structures nouvelles pour un fonctionnement non directif. Mais la démocratie coûtera cher et prendra du temps ”.
Le quatrième, un historien maghrébin, ajouta : “ Le monde occidental a produit une raison hégémonique et occulté ainsi, au nom de la laïcité, les religions, les autres cultures et les autres philosophies ; bref, tout ce qui ne lui était pas propre. La démocratie, c’est le rééquilibrage de l’enseignement de l’histoire. De toutes les histoires et de tous les peuples ”.
Vient ensuite le tour du cinquième, un professeur africain noir, qui expliqua : “ L’enseignement de la démocratie, c’est d’abord et avant tout un toit pour mon école et des manuels pour mes élèves. Mais les jeunes, de toute façon, ont toujours été élevés dans un système démocratique : ici, les décisions sont prises depuis des millénaires par la pratique de la palabre ”.
“ Quant à moi, dit le sixième, un chercheur brésilien, je fais de la démocratie dans la rue, là où vivent et grandissent tant d’enfants qui n’ont pas la chance d’aller à l’école. La démocratie commence aussi par l’action sociale ”.
Les 6 professeurs ont discuté longuement.
Ceux de l’Occident, forts de leurs anciennes traditions démocratiques, montraient le bon exemple, citaient des textes de lois, évoquaient des résolutions internationales, élaboraient des concepts universels. Cependant, au–delà de leur assurance, ils ne parvenaient pas à cacher une certaine inquiétude face à l’érosion des comportements et des convictions dans leurs propres pays, les maîtres à penser avaient vécu, et n’étaient pas remplacés.
En philosophie, en morale, on cherchait des Montaigne ou des Goethe ; on trouvait des journalistes ou des chanteurs de variétés. De plus, la foi laïque qui avait succédé aux convictions religieuses ne faisait plus recette. La classe politique, sans idée–force, donnait d’elle–même le spectacle de l’affairisme et de l’opportunisme. les médias prenaient désormais le pas sur les gouvernants. On formait les enfants au mercantilisme plutôt qu’à l’éthique. Pire encore, la guerre éclatait aux portes mêmes du bastion de la démocratie.
Sarajevo, qui avait déjà embrasé le monde en 1914, était, tout comme la quasi–totalité de l’ex–Yougoslavie, le théâtre d’affrontements dont la barbarie ne le cédait en rien à celle des guerres tribales, religieuses ou ethniques du Tiers–monde, que les puissances occidentales s’empressaient de condamner. Peu pressés de s’unir et incapables d’intervenir pour défendre la démocratie chez un voisin immédiat, les pays d’Europe montraient des signes de désarroi ; on y voyait resurgir les vieux démons racistes et nationalistes que tous croyaient disparus.
Ceux de l’Est n’étaient pas moins circonspects : le formidable bouleversement qui avait fait basculer en quelques mois l’Europe Centrale et une immense partie du continent Eurasiatique du totalitarisme ou libéralisme, ou si l’on préfère, de la démocratie populaire à la démocratie tout court, aurait dû générer un élan d'enthousiasme sans précédent, la multiplication des initiatives, une redistribution des tâches, le mieux–être général. Or, comme l’exprimait le professeur de Moscou : “ Si les chiens ont maintenant de droit d’aboyer, c’est qu’il n’y a plus rien dans leur gamelle ”. Là encore, les nationalismes s’exacerbaient ; on voyait se développer des réseaux maffieux : concussion, marché noir et trafics de tous genres concouraient à désorganiser la vie économique.
Ceux au Sud étaient plus divisés. Les uns cherchaient la voie vers la démocratie et, peu rancuniers, considéraient le monde occidental comme l’exemple à suivre. Ils citaient Montesquieu, Rousseau, La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, montraient les bienfaits de l’instruction civique. Paradoxalement, ils n’avaient retenu du colonialisme que le culte de la raison, et s’étonnaient de la voir maintenant éclater chez les anciens occupants.
Les autres estimaient que leurs propres modes de coexistence, leur propre culture, leur propre religion, avait forgé des comportements démocratiques ancestraux, sans qu’il fût besoin de recourir à des schémas importés. Ils faisaient observer, non sans acrimonie, que certains pays riches avaient subordonné la coopération ( c’est-à-dire l’aide économique aux plus pauvres en échange du maintien des anciennes sphères d’influence ) aux bonnes mœurs, définies, selon leurs critères, lesquelles devaient être universellement respectées. Ils s’inquiétaient de l’occidentalocentrisme et de la bonne conscience démocratique qui l’accompagnait.
D’autres considéraient avec perplexité l’évolution “ post–moderne ” de l’Occident, lequel, ayant longtemps montré la voie, se retournait comme un doigt de gant pour ne montrer une autre. Le monde avait changé : le dangereux équilibre entretenu par les deux grands depuis le années cinquante avait fait place au “ nouvel ordre mondial ”, dont personne ne savait, ou n’osait dire, à qui il allait profiter.
Dans le concert international, beaucoup d’instrumentistes trouvaient que le Chef d’Orchestre était devenu par trop impérieux, trop directif, et pensaient que l’harmonie s’obtenait d’abord par la variété et la multiplicité des timbres. Chacun savait que le sixième violon, le piccolo ou le triangle, pour modestes que soient leurs rôles, pourraient transformer la symphonie en cacophonie. Or, force était de constater que les cuivres lourds sonnaient plus fort que ne résonnaient les mandolines, que l’Oud était couvert par les trompettes de Jéricho, que le Koto lui – même, aux accents pourtant feutrés, se faisait omniprésent.
LA DEMOCRATIE, AU SENS INSTRUMENTAL, LAISSAIT A DESIRER. TEL ETAIT LE TRISTE CONSTAT DE NOS ENSEIGNANTS – DEMOCRATES.

