LA R.D.CONGO PRIE BEAUCOUP MAIS RIEN NE CHANGE EN SON SEIN….

LA R.D.CONGO PRIE BEAUCOUP MAIS RIEN NE CHANGE EN SON SEIN….
L’un des traits marquants de la démocratie congolaise, c’est, à n’en point douter, la naissance et la floraison des maisons et groupes de prières aux diverses démonstrations. Ici, vous trouvez : “ L’Eglise du Christ au Congo”, là – bas, “ l’Eglise du Christ pour Progrès du Congo ”. Sur une même avenue, “ la Mission Evangélique du 7ème jour ” s’échange les adeptes avec ‘ le Full Gospel’. Ces groupes de prière sont tellement nombreux qu-ils louent parfois une seule et même parcelle. Les cultes sont alors, non sans poser quelques problèmes, organisés à tour de rôle. Ces nouveaux mouvements religieux que l’on appelle couramment des sectes, viennent s’ajouter aux paroisses catholiques, protestantes et Kimbanguistes implantées souvent non loin les unes des autres.
En fait, l’effervescence que connaissent ces endroits de louange à l’Eternel, au Très -Haut, les jours de cultes si pas tous les soirs, suscitent pas mal de questions. On peut notamment se demander pourquoi les gens y vont en aussi grand nombre. Et ceux qui y vont, qu’y cherchent–ils ? Comment éprouvent–ils leur intégration dans ces groupes ? Que disent–ils donc dans leurs bruyantes prières ? Une autre question non moins importante qu’on pourrait se poser est celle de savoir sur quel critère les gens choisissent tel groupe plutôt que tel autre. Nous allons esquisser quelques réponses à ces questions ; mais présentons d’abord le paysage religieux au Congo avant le déclenchement de la balade démocratique en 1990.
Lorsqu’il décide en 1990 d’entrer en démocratie comme d’autres pays africains, le Zaïre-Congo recense en son sein, hormis les mouvements ésotériques comme la Rose– Croix, la franc–maçonnerie, l’Ayam auxquels n’adhérent que les citoyens de la classe dirigeante, trois grandes religions. Nous appelons trois grandes religions, dans ce contexte, celles qui occupaient alors un espace assez vaste du territoire national et avaient au moins un demi-siècle de présence dans le pays..
Tout d’abord, il y avait l’Eglise Catholique présente pratiquement dans tous les villages de la R.D.Congo. Avec sa puissante organisation hiérarchique, ses infrastructures et ses services sociaux, elle imprimait véritablement un rythme à la vie spirituelle et humaine du Congo. A travers des services sociaux comme les écoles, les dispensaires, les hôpitaux, les orphelinats et d’autres centres de promotion humaine ou de réinsertion des handicapés, l’Eglise catholique était presque la concurrente de l’Etat en matière de prise en charge de la population. Donc, si les citoyens se ruaient vers l’Eglise catholique, c’était en partie pour bénéficier de ces services.
Par contre, bien d’autres fréquentaient les chapelles catholiques pour des besoins de divertissement. L’Eglise, sous l’impulsion du très regretté Cardinal Malula, avec la collaboration de l’éminent Théologien Congolais Laurent Mpongo, venait de mettre sur pied le rite zaïrois
Ce rite liturgique, avec tous les éléments culturels dont il faisait usage, attirait pas mal de curieux partout où il était célébré. En un mot, quand commence la démocratie, l’Eglise Catholique qui est arrivée pour la première fois au Congo en 1491 y est solidement implantée. Elle a des infrastructures, des services appropriés pour sa mission et un personnel à la fois expérimenté, diversifié et suffisant. A Kinshasa par exemple, on rencontrait une mission catholique tous les deux kilomètres et dans ces missions pouvaient vivre deux, trois ou même quatre ouvriers apostoliques bien formés.
A côté de l’Eglise catholique figurait sa sœur, ou si on préfère, son frère séparé : l’Eglise protestante . Celle – ci, depuis 1893, propage la bonne nouvelle dans une bonne partie du territoire congolais. Malgré leurs limites en moyens matériels et humains, les protestants, quand sonnèrent les cloches de la démocratisation des institutions du pays, tenaient par–ci par-là, une école, un dispensaire, une université.
L’autre grande religion que l’on rencontre en R.D.Congo pendant la deuxième République, c’est le Kimbanguisme dont le nom officiel est “ Eglise du Christ sur la terre par son envoyé Simon Kimbangu ” . Cette confession religieuse est particulière en ce sens qu’elle diffère des deux premières que nous venons de présenter. Elle a été, non pas importée, mais fondée par un congolais de la Province du Bas – Congo. En plus, elle enseigne à la fois le christianisme et le nationalisme ; d’où ses accointances avec le parti unique ( le MPR de Mobutu ) de l’époque. Les Kimbanguistes, à part les aumôneries militaires qu’ils ont dans l’une ou l’autre garnison militaire du Congo, tiennent également quelques écoles et dispensaires. Ecoles et dispensaires cependant généralement moins fréquentés que ceux des catholiques et des protestants. A Kinshasa, leur présence était remarquable et remarquée grâce à leurs lieux de culte quelque peu insolites. Des hangars plantés en plein air dans des parcelles vastes mais toujours moitié clôturées. Il faut ajouter à cela leur Université située sur l’avenue Bongolo, au Quartier Kauka, dans la Commune de Kalamu. Ce serait parler du Kimbanguisme à moitié que de ne pas évoquer tout au moins à titre indicatif, son centre de spiritualité de Nkamba, dans la Province du Bas–Congo. Nkamba, c’est le village natal de Simon Kimbangu. Tous les Kimbanguistes considèrent cet endroit comme sacré de la même manière que les musulmans estiment la Mecque et les catholiques le Vatican.
Entre ces trois grandes religions, il n’ y avait pas apparemment de chaude querelle sauf le très complexe débat autour de la fluidité des frontières de chacune d’elles. En effet, une famille tout entière pouvait commencer l’année civile chez les catholiques et la finir chez les Kimbanguistes, non sans avoir séjourné pendant quelques mois dans une communauté protestante. Ce mouvement, cette transhumance des fidèles était, avec l’apparition de plusieurs éditions de la Sainte Bible, les signes avant–coureurs du chambardement que le pays allait connaître à partir de 1990 sur le plan religieux.
Peu après le discours historique du 24 avril 1990, discours qui annonçait l’ouverture des institutions républicaines au jeu démocratique, beaucoup de nouvelles formations religieuses ont vu le jour ; signe que pour bon nombre de Congolais, la démocratisation de la présidence, de l’Assemblée nationale voulait également dire : démocratisation de la foi. Très tôt, la libre croyance prit des proportions effrayantes. Sur les trottoirs, les stades, les marchés et aux carrefours , dans les taxi–bus comme dans les pirogues, de jeunes gens passent des journées entières à prêcher la Bonne Nouvelle. Leur message est stéréotypé et présente le Fils de Dieu comme l’Unique Sauveur du Congo.. Il présente Jésus en perpétuel combat avec Satan.
Pour clore les prédications, les évangélistes de l’ère démocratique invitent les Congolais à se détourner de la vie courante, pour ne se préoccuper que du royaume des cieux en s’adonnant plus que jamais à la prière. Qu’ils soient de Kingasani, de Yolo ou de Bandalungwa, ces jeunes ont un même look, un même registre de mots. Sur leurs lèvres, des termes comme Dieu, Eternel, Alléluia, amen, vérité, vie, péché, lumière, sauvé, monde, etc… sont continuellement récurrents.
Puisque ce mouvement spirituel a connu son déclenchement presqu’au même moment que le mouvement démocratique, beaucoup de personnes pensèrent que ces jeunes prédicateurs n’étaient pas sous la mouvance de l’Esprit de Dieu, mais, sous la botte de Mobutu qui les paierait pour qu’ils détournent l’attention des Congolais qui commençaient à ouvrir les yeux sur la réalité politique et économique du pays. L’autre mission, disait–on à Kinshasa, que le Léopard aurait assignée à ces jeunes fondateurs de sectes, c’était de concurrencer la redoutable Eglise catholique qui dénonçait de plus en plus les injustices, les violations des droits des citoyens par les autorités publiques. Effectivement, à cette époque–là, toutes les conditions étaient réunies pour que l’on pense de la sorte. Comment comprendre et expliquer par exemple que des groupes de jeunes distribuent des bibles, des dépliants, des bandes dessinées, à des milliers de personnes à longueur de journées et ce gratuitement ? Où pouvaient–ils bien trouver l’argent pour imprimer un nombre aussi imposant de tonnes de papiers ?
Un autre fait qui permet de lier l’effusion spontanée mais tardive de l’Esprit-Saint sur les Congolais à la situation politique de l’époque, c’est le défilé des évangélistes américains à Kinshasa. Tous venaient pratiquement dire aux Congolais que seule la foi peut les sauver et que, par conséquent, l’action politique à laquelle ils veulent s’engager avec détermination ne les conduira qu’à la géhenne. Ces hommes très applaudis et protégés par les autorités - phénomène bien curieux – présentaient donc un Christ, non pas engagé, mais résigné. La foi, la prière à laquelle ils invitaient les Congolais n’étaient pas une foi, une prière agissante, mais plutôt, une foi de purs contemplatifs, de défaitistes.
Depuis 1990, la République Démocratique du Congo est donc embarquée à la fois dans le bateau de la démocratie et dans celui du renouveau dans l’Esprit. Renouveau dont la vitalité et la puissance offensive laissent entrevoir la main noire qui le contrôle. Presque chaque quartier est une Eglise à Kinshasa. On y trouve un pasteur qu’assistent généralement quelques acolytes. Là où l’on est un peu plus organisé, quelques services sont réservés aux femmes, en majorité aux jeunes filles dont le pasteur lui–même dispose comme il l’entend.
La catégorie de personnes qui fréquente habituellement ces endroits de culte, est souvent constituée de femmes, tous âges confondus. A ces “ mamans ”, viennent s’ajouter une ribambelle de jeunes gens. Ils affirment tous être à la recherche du salut. Lorsqu’ils se “ convertissent ”, ils choisissent de s’intégrer dans les groupes où un des leurs est pasteur ou a de l’influence. Un autre critère qui les guide aussi, c’est leur entourage. Quand une de leurs connaissances a fait une expérience quelque part, il en parle et attire dans la secte pendant les heures de prière spontanée, les membres mais, chacun n’en demande pas moins à Dieu, ce qui lui manque à lui.
Tous les problèmes de la vie sont donc soumis à Dieu dans l’espoir qu’ils trouveront en lui leur solution. Ceux qui ont faim attendent que le Bon Dieu leur donne à manger, les malades implorent la guérison, les célibataires et les divorcés, l’union ou la réunion avec un conjoint. Bref, sil l’on s’en tient au contenu des intentions de prière émises dans les nombreuses sectes qui pullulent au Congo, on s’aperçoit qu’il n’y a pas en cette pratique que des recherches de solutions aux problèmes de la vie quotidienne.
La secte est pour le Congo, un lieu de dialogue avec Dieu, un lieu de rencontre avec d’autres souffreteux, un lieu d’échange d’expériences de vie et de foi, un endroit où il prend conscience de sa condition de pécheur. Le groupe de prière est pour le Congolais de la période démocratique, un endroit de soulagement, d’évasion car, en chantant et en criant “ ALLELUIA ALLELUIA ” à longueur de nuit, il oublie un peu ses soucis qu’il retrouve, cependant, tout de suite une fois revenu à la maison après la prière.
Vu ce qui précède, il n’y a pas de doute qu’au Congo, l’on prie énormément. A chaque minute, des millions de personnes se tournent vers le Seigneur pour lui demander, qui à manger, qui du travail ou même un mari. Au marché comme au champ, à la maison comme à l’école, le Congolais est occupé à prier. Mais, prie–t–il donc sérieusement ? C’est là toute la question.
Depuis qu’il est embarqué malgré lui dans le train d’une démocratie sans contours, l’homme congolais s’adonne à la prière, forme des milliers de pasteurs et en exporte même un certain nombre.
Mais, les résultats, les œuvres de la prière ne se font guère voir à la lecture de ce tableau, qu’au Congo, plus les sectes gagnent du terrain, plus le peuple souffre de la famine et de maladies de tous genres. Plus les prières se multiplient et se prolongent, plus le chômage, la misère, le désespoir et l’exode vers l’étranger gagnent du terrain. Comme quoi, le souffle de l’Esprit qui traverse le Congo-Zaïre depuis 1990, n’est pas un souffle de vie, mais un souffle de mort.
Les religions nouvelles n’éveillent pas le peuple au travail, mais au sommeil, à l’attentisme, à la démission face à ses responsabilités. Quand l’Etat laisse couler un tel désordre, c’est qu’il souhaite et encourage un suicide collectif de tout un peuple, de toute une nation qui pourtant, une fois bien conscientisée, peut travailler de ses mains et résoudre ses problèmes. Les nouveaux mouvements religieux qui accompagnent le processus démocratique en R.D.Congo, ne sont pas des lieux de croissance humaine – dans la plupart des cas – mais des centres de trafic du sexe, de la drogue et du diamant. Les nouveaux mouvements de prière constituent aussi un refuge pour beaucoup de malfaiteurs de la deuxième République.
La foi congolaise n’a pas d’impact sur la vie concrète ; aussi assiste–t–on à une dépravation rapide et dangereuse des mœurs.
La parole de Dieu est utilisée pour légitimer ce que l’on fait soi, et discréditer le comportement des autres.