EN R.D.C.,AUJOURD’HUI, COMME A L’EPOQUE DU PARTI-ETAT,HIER, « LA PROSTITUTION » A ATTEINT AUSSI LES MILIEUX DES INTELLECTUELS.
La démocratie a bouleversé profondément la République Démocratique du Congo Il n’y a aucune couche sociale qui n’ait été atteinte par ses effets néfastes et regrettables. Dans les milieux intellectuels Congolais,, le mal démocratique est particulier et profond. Tous les cerveaux, sans guère d’exception, se sont prostitués. Cette situation de prostitution généralisée et instituée s’explique par l’extrême précarité, la trop grande misère, dans laquelle croupissent les savants congolais.
Au temps fort du MPR,Parti-Etat, le personnel académique était bien payé et avait un niveau de vie élevé. Un professeur d’université par exemple, pour ne parler que de cette catégorie, avait un gros salaire auquel venaient se greffer de nombreux avantages comme le logement, les soins de santé, les moyens de déplacement gratuits. A cette belle époque, donner cours à l’université était une chance, un plaisir. Mais, très peu de professeurs ont profité de ces temps de vaches grasses. Tout leur argent, ils l’ont souvent investi dans les femmes, les longs séjours répétés en Europe ; sans songer à l’avenir de leurs enfants.
Le pouvoir en place depuis 1965 avait habitué les enseignants des grandes écoles à une vie d’aisance matérielle qui n’était au fond qu’une lente usure, une douce précarisation. Entraînés à tendre la main à l’Etat – providence, les intellectuels congolais ont très peu appris à épargner, à investir utilement. La prostitution intellectuelle n’est donc pas née avec la démocratie. La période démocratique est seulement l’époque où elle a atteint son point culminant et a pris par le fait même de nouvelles formes.
A l’époque du régime fort déjà, beaucoup d’universités monnayaient leur intelligence et leur science auprès de Mobutu. Ceux qui réussissaient à le charmer étaient alors, qui conseiller, qui directeur de cabinet ou même responsable d’une cellule quelconque du MPR. Même quand le régime agissait mal, ils étaient toujours prêts à chanter ses louanges, à vanter ses mérites. Les fautes et les erreurs du régime étaient présentées, avec la plus belle rhétorique comme des trouvailles uniques. Les crimes économiques et politiques étaient montrés comme des manifestations ostensibles du génie de Mobutu. Le comportement des intellectuels congolais pendant la Deuxième République n’est donc pas très éloigné de celui des filles de joie qui n’exigeant qu’une seule vertu de leurs clients : la largesse. Quand un homme paie bien, la prostituée l’admet dans son lit quelles que soient sa moralité, son histoire ou l’activité qu’il mène pour avoir l’argent qu’il lui donnera
Seulement, quand arrive l’heure de la démocratie, Mobutu devient un client beaucoup moins sûr. Monnayer des services auprès de lui ne paraissait plus très indiqué. Les universitaires percevaient bien que, Mobutu étant rejeté par la population, ils risquent, en s’alliant à lui au grand jour, de subir la même exclusion, le même rejet par le peuple vu cet état de choses, les intellectuels zaïrois ont très vite développé d’autres modes de prostitution ou ils ont simplement, cherché d’autres clients. Ils ont en effet abandonné les universités du pays pour aller quémander des heures de cours dans les universités étrangères. A l’étranger, se disaient – ils, on paie certainement mieux. Et ils ne se trompaient pas.
L’Etat providence qui les avait soutenus et gâtés jusque là est mort officiellement le 24 avril 1990. Devenus orphelins, les fonctionnaires du Congo- Zaïre ont appris à se débrouiller pour vivre. Les enseignants des universités du Grand Congo ont trouvé mieux ailleurs et sont allés vendre à l’étranger le peu de science qu’ils possédaient.
Comme nous le dirons plus loin, eux aussi sont pris par le dégoût du chez eux et le besoin d’un ailleurs. Cette fuite des cerveaux fait qu’aujourd’hui, on rencontre des professeurs congolais qui vont de Kinshasa à Dakar via Nairobi, de Brazzaville à Cotonou et de Yaoundé à Jobourg, non pas pour chercher du travail,, mais plutôt pour chercher de l’argent en vue de la survie de leurs familles restées à Kinshasa, où elles occupent les logements de l’université. Le phénomène de professeurs « prostitués » a fait que, en Afrique, les universités ne sont plus des lieux de production du savoir, mais des centres où les uns peuvent vendre le savoir et les autres le consommer.
Etant donné que les professeurs sont tout le temps en déplacement, il devient compréhensible que les universités du Congo qui les emploient en soient réduites à boiter quelque peu dans leur fonctionnement. Il est aussi compréhensible qu’un professeur ne soit jamais à la page de la matière qu’il enseigne. Il n’a pas le temps de lire ou de chercher ; mais se comporte – t – il dans l’auditoire en véritable répétiteur de ce que d’autres ont dit et qui est souvent déjà dépassé.
Quand bien même il est de passage à l’Université de Kinshasa, si c’est là qu’il est enseignant à temps plein, il a toujours l’air pressé. Sa préoccupation première n’étant plus la science mais l’argent. Le professeur « prostitué » multiplie les travaux pratiques, les séminaires, les interrogations où chaque étudiant qui suit son cours et désire prendre part à l’examen doit débourser deux dollars pour pouvoir entrer dans « l’enrôlement ».
Ensuite, l’étudiant, qui n’a pas de bourse, doit payer trois dollars pour que sa copie soit collectée à la fin du test. Quatre mois plus tard, le pauvre doit encore payer deux dollars pour savoir s’il a eu la moyenne requise ou s’il doit passer l’examen en deuxième session. Au cas où il a le malheur de devoir revenir en deuxième session, il est obligé de recommencer la même succession de dépenses. Dans les universités de la R.D.Congo,, les professeurs « prostitués » brillent donc par leur absentéisme, leur avidité pour le dollar, leur corruption et enfin par leur sous – information.
L’autre type de « prostitué intellectuel » du Congo,, c’est celui qui est représenté par les enseignants d’université n’ayant jamais été courtisés ni par le régime, ni par les universités étrangères et se rabattant sur le marché local. On les retrouve notamment dans toutes les universités et grandes écoles laïques ou confessionnelles des grandes villes comme Kinshasa ou Lubumbashi. Leur objectif premier n’est pas de former la jeunesse du pays, mais de gagner le plus de dollars possibles.
Partout, le système du syllabus est institutionnalisé. Dès le début du semestre, chaque étudiant doit se l’acheter à un prix qui est parfois dix à trente fois supérieur au niveau annuel de ses parents. A l’approche des examens de fin d’année, la fièvre monte et la corruption ne se voile plus le visage. C’est l’étudiant qui offre le plus de dollar au professeur qui réussit le mieux. Tant pis pour les pauvres et les filles laides, car celles qui ont des cuisses attirantes peuvent encore- à condition qu’elles les ouvrent au professeur ou à son assistant- ,espérer, si pas une réussite, du moins un ajournement partiel.
Cependant, si l’intellectuel congolais vend ce qu’il sait ailleurs que chez lui s’il abandonne son université, sa famille, son pays c’est parce qu’il cherche ce qu’il n’a pas : l’argent. L’Etat qu’il sert et qui devrait normalement le lui procurer n’existe plus ; il a démissionné de ses fonctions. La prostitution, en conséquence de ce qui précède, se justifie donc jusqu’à un certain point. Le drame dans tout cela n’est ni pour le professeur ni pour l’université étrangère qui l’emploie mais bien pour la jeunesse congolaise. Le niveau général de connaissance des étudiants a baissé considérablement. Sur le Campus Universitaire de Kinshasa par exemple, il n’est pas rare de rencontrer, des étudiants – et ils sont nombreux – qui ne peuvent pas écrire ‘combien’ sans mettre ‘t’ à la fin. Quand par mégarde ils parlent français – la langue la plus parlée sur le campus universitaire, c’est le lingala -, il n’est pas exceptionnel de les entendre confondre le masculin et le féminin, le pluriel et le singulier, le participe et l’infinitif d’un verbe.
La dernière catégorie des « prostitués intellectuels », c’est celle qui est composée des intellectuels qui, par leurs déclarations à la radio, à la télévision ou à la presse privée, cherchent à séduire les grandes formations politiques susceptibles de diriger un jour le pays.
susceptibles de diriger un jour le pays. Ils sont nombreux à solliciter des postes.
A notre avis, la solution à ce problème passe par les intellectuels zaïrois eux – mêmes. Les universités de la R.D.Congo ont rendu beaucoup de services à l’Afrique. Elles progresseraient donc encore en renommée si aujourd’hui elles remplaçaient la corruption par l’objectivité et le sérieux, et la prostitution par le rayonnement et la compétitivité

