Election estudiantine : Plébiscite pour une Candidate

L’histoire se passe à l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe (ISP/Gombe), à Kinshasa. En 1997, les filles doivent élire leur « commandante » pour cette année académique. Le poste est alléchant. La "Présidente" de l’ISP/Gombe n’est pas n’importe qui. L’Institut est en plein quartier résidentiel le plus huppé de Kinshasa. Des visiteurs de marque visitent l’établissement régulièrement. Et bien de manifestations académiques se tiennent dans son amphithéâtre qui reste très sollicité.
On savait l’élection de la commandante de cette année assez particulière. Les enjeux à venir étaient de taille. Ce qui était curieux, c’est qu’il n’ y avait jusque là qu’une seule candidate que répercutaient les échos. La candidate avait tous les moyens. Rien n’était laissé au hasard : tee-shirts, affiches imprimées, pagnes, cahiers et rames de papier duplicateur distribués... On se croyait déjà aux vraies campagnes électorales.
De l’autre côté, les filles ne semblaient pas avaler cette pilule. Elles en avaient déjà marre avec toutes ces candidates soutenues de l’extérieur. Elles n’en voulaient vraiment plus. Elles réclamaient un changement. A la manière des femmes. C’est-à-dire avec douceur. Dans le calme. Et sans violence. Elles se décidèrent à chercher un contrepoids. Une autre fille qui répondrait au profil d’une présidence telle qu’elles le voulaient : modérée, calme, timide mais forte de caractère, bref une fille simple, mais pas facile, droite mais pas extrémiste.
Parmi les filles de l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe, l’une se tenait hors de ces querelles. Pour cause, elle ne semble s’occuper que du spirituel et des ses études. C’est Flore-Wivine Mak... était la présidente de la Section ISP/GOMBE du Mouvement International des Etudiants Catholiques (M.I.E.C.). Les filles décident de lui proposer la « commandature ». Ce fut pour Wivine comme un coup de foudre. Une tentation.
Elle refusa poliment mais fermement. Leur faisant comprendre qu’elle n’en était pas capable.
Non, elle n’était pas fille à pouvoir être capable d’exercer des responsabilités publiques. Elle n’en a ni la verve facile, ni le caractère bouillant pour se présenter en public et haranguer les foules. Pourtant, le jour de l’élection approchait. Flore-Wivine leur fit comprendre que cela exigeait une sérieuse préparation : il fallait avoir battu campagne, ce qu’elle n’avait pas fait. Il fallait avoir payé l’entièreté de ses frais de minerval, ce qu’elle n’avait pas encore fait. Enfin, elle ne répondait pas au profil d’une présidente ; vu sa taille physique et son tempérament.
Peine perdue. Les autres s’en tenaient à leur choix. Pendant qu’elle pensait avoir convaincu ses consœurs, celles-ci se cotisèrent et allèrent payer la partie de son minerval non encore honoré. Puis, à son insu, elles commencèrent sa campagne à quelques jours de la date fatidique. Elles placèrent des affichés, grattées à stylos ordinaires et à encre de Chine, à côté de celles de l’autre candidate qui avait, elle, des affiches imprimées La tension était à son comble. Wivine-Flore ne savait plus à quel saint se vouer.
Le jour de l’élection, l’ISP/GOMBE vibra au rythme du dernier jour de la campagne. L’autre candidate fit venir une fanfare. Question de faire un peu plus de bruit. Wivine, devenue candidate par la force des choses, n’en avait pas les moyens. Elle s’était enfermée, occupée à prier, pour terrer sa peur et sa frousse. Elle tremblait de tout son corps. Ses amies, à son insu, allèrent louer elles aussi une fanfare, plus bruyante que la première. Qui y aurait cru !
Puis, vint l’épreuve du feu. Les candidates devaient se présenter devant les urnes. Flore s’est vue tirée de sa chambre par ses amies qui avaient étalé leurs pagnes sur son passage. Elle en fut bouleversée. Elle n’y pouvait rien. Les autres (ses amies) étaient plus fortes qu’elle. Les élections eurent lieu dans ce climat tendu. Et le verdict ne se fit pas attendre. Wivine-Flore Mak... fut élue présidente de l’ISP/Gombe pour cette année académique-là. Ce fut la fête.
Les filles avaient besoin d’une commandante qui répondait à leur profil…et saurait prendre en compte leurs aspirations légitimes. Et non pas une qu’on leur imposait par des moyens séditieux.
Demain, ce seront les élections dans notre pays, la République Démocratique du Congo. Plaise à Dieu qu’elles aient vraiment lieu dans la transparence, dans la liberté et dans l’honnêteté. Sans intimidations. Espérons qu’il sera difficile d’enfoncer les doigts dans les yeux des gens. Dieu merci, aujourd’hui, dans notre pays, nous n’avons ni les yeux en poche, ni les oreilles bouchées, ni la mémoire courte.
Elles seront historiques et mémorables, les élections à venir. Surtout lorsque ce sont les femmes qui prennent les choses en main. Grâce à nos sessions de formation et des séminaires d’éducation civique, de centaines de compatriotes s’activent à donner courage et raison d’être à ceux et celles qui auront demain la lourde responsabilité de décider du sort de ce pays.
Le Groupe Culturel et Artistique Les "KAMIKAZE" est de ceux-là. Courage, formateurs et animateurs des Mouvements Associatifs. Bientôt, nos sacrifices, nos sueurs, nos longues randonnées à travers Kinshasa, les brousses, les forêts et les savanes de l’arrière-pays vont porter leurs fruits.

(NPM : Wivine-Flore Mak., debout, souriante, après son élection, au milieu de quelques sympathisantes.)