ASSALAK (Association des Armateurs sur le Lac Kivu) parle!

Le 04 mars 2004, les membres de l'ASSALAK, se sont adressé à Monsieur le Ministre de Transports et Communication et à Monsieur le PDG de la Régie des Voies Fluviales, tout en réservant copie à toutes les institutions de la transition, même à la MONUC (Mission d'Observation des Nations Unies au Congo). L’ASSALAK comme un seul homme dénonce à travers son mémorandum la double taxation, la surtaxation, la myriade des services et des tortionnaires militaires comme civils et les tracasseries dont les populations font l’objet aux ports et beachs de Goma et de Bukavu.

Les membres de l’ASSALAK, ACT, SODIVIA, MV BIEGA, SNCC, MV KARIBU, MV KIRUSHA, ALLELUIA, SEF, LADY-NADIA, Ets BA-MI, IHUSI EXPRESS, MV KALEHE-EXPRESS, MV MAPENDO, MV SAFINA, MV VERONIQUE, MV SALAMA, BAC LAC KIVU, MV LUKABA, BARAKA, MV CINYABUGUMA, ASALAKI, disent leur ras-le-bol et cela sans ambages :

I. De la double taxation et la surtaxation

Les villes de Goma et de Bukavu sont des chefs lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Profitant du désordre créé par les différentes rébellions et/ou avec la complicité des responsables du RCD à tous les niveaux, les agents du Ministère de Transport et Communication commis dans ces deux villes, imposent des taxes de même nature pourtant le Pays, l'Etat, le Ministère du transport et communication, le Lac Kivu sont restés les mêmes. Une situation qui frappe et asphyxie de ce fait un seul et même bateau d'un seul et même armateur, au mépris du code de navigation qui recommande dans ce genre de cas le respect strict du port d'attache du bateau. Et ces agents le savent pertinemment bien!

1. Au niveau du ministère de transport et communication

- Le Permis de sortie : Ce papier qui, jadis, même à l'époque de Mobutu, était livré gratuitement coûte 15 $ US à Bukavu, au départ de chaque embarcation et 15 $ US à Goma, à son accostage, soit 30 $ US par voyage et par bateau.
- La surtaxe de partance : En plus de 15 $ US imposés comme permis de sortie, il faut encore payer 10 $ US au départ d’une de ces deux villes et 10 $ US encore à l’arrivée dans l’autre. Cela fait un total de 20 $ US auxquels il faut ajouter les 30$ US pour faire 50 $US payés gratuitement.
- La surtaxe de collation : à côté de ces surtaxes précitées, ces agents du RCD ont encore créé une surtaxe obligatoire de 10 $ US. Celle-ci est payée sans quittance : c’est la " collation " à remettre au commissaire maritime de la ville de départ et la même somme à son collègue de la ville d’arrivée.
- La surtaxe prestation particulière : cette prestation particulière est fixée à 100 $ US par unité et par an. Elle est majorée de 10% d'intérêt par mois de retard même quand aucun travail n'a été effectué sur le bateau par l'agent de transports et communications. Naturellement aucun travail ne peut se faire parce que certains de ces soi-disant agents, ne connaissent rien dans le domaine de la navigabilité, et d'autres sont tout simplement des ramassis au solde des tortionnaires du peuple !
- La redevance annuelle : Pour cette taxe, la note de débit émise annuellement par les agents de transports et communications porte la mention suivante : " Les paiements doivent s'effectuer dans les quatre mois faute de quoi ils subissent une majoration de 10% par mois de retard et de 50% d'amende conformément à l'ordonance-loi n° 79/297/ du 27/12/1979 ". Les membres de l’ASSALAK font savoir à qui veut les entendre qu’une note de débit n'est pas une banque Lambert calculée sur fonds d'intérêt usurier. Qu'on se le dise!

2. Au niveau de la R.V.F.

La taxe de la R.V.F. 10,5 $ par an et par C.V. et de 2,5 $ par an et par tonne Jauge Net. Cette taxe est un scandale de subtilité fiscale. Très chère et ruineuse, elle constitue depuis 5 (cinq) ans une paume de discorde entre les armateurs sur le Lac Kivu et les agents de cette entité qui perçoivent d'énormes sommes d’argent moyennant un simple reçu sans rien rendre en contrepartie.

La R.V.F. n’ayant pas les moyens de sa politique : sans engins, sans fonds propre ; ne rendant aucun service de sécurisation des exploitants du lac : pas de dragage, pas de balisage, pas de curage, pas de signalisation ; elle (la R.V.F.) se comporte exactement comme une « Ravageuse des Vaches dans une Ferme ». Bref, pour elle, les armateurs sont des vache à lait qu’il faut exploiter sans se soucier de leur subsistance !

Elle ne s'aligne même pas sur l'arrêté ministériel n° 20/CAB/MIN/FIN/97 du 08 octobre 1997 fixant le taux de taxe pour le bateau et embarcation à 3 $ par C.V. par an ou à 2 $ par tonne de jauge net par an selon qu'on transporte les personnes ou les marchandises. En effet, les mêmes indicateurs taxés à la fois par le service des impôts et la R.V.F., deux services d'un même Etat prouvent qu'il y a double taxation. Comme si cela ne suffisait pas, la R.V.F. facture à la fois la partie moteur (C.V.) et la cale de chargement ou tonne de Jauge net d'un même bateau. C’est anormal !

3. Les services appendices

- Marché alléchant pour les chiens méchants, les armateurs sont aussi la cible privilégiée des services de l'environnement qui taxent sur base de mêmes indicateurs.
- Le ministère du tourisme est aussi dans la danse on ne sait pas trop pourquoi. Et pourtant au terme de l'ordonance-loi n° 83-038 du 28/09/1983 créant la taxe F.P.T., seuls les opérateurs du secteurs touristiques doivent la payer. Les entreprises des armateurs n’étant pas des agences de tourisme. Leurs bateaux ont pour activité principale le transport commercial des personnes et des biens sur le Lac Kivu et non la promotion du tourisme.
- Le Ministère de la sécurité intérieure secoue les membres de l’ASSALAK avec la surtaxe de la DSR. Cette surtaxe de la redevance phonie à la DSR de 150 à 350 $ US par an se confond avec celle de 425 $ US exigée à l'OCPT. Finalement qui est qui ? et qui fait quoi ?
- Les provinces imposent 200 $ US par unité par an à Goma et à 100 $ US par unité par an à Bukavu, taxes confondues avec celles de la redevance annuelle payée aux Transports et Communications, avec la redevance annuelle payée à l'environnement, avec la surtaxe R.V.F., car elles frappent un même objet " bateau " constitué d'un moteur et des cales de chargement, indivisibles.
- Les mairies de Bukavu et de Goma ne sont pas en reste. Elles excellent dans ce qu’elles ont trouvé mieux d’appeler "la taxe d'accostage de la Mairie et taxe de la pollution (Mairie)". Elle revient à 15 $ US par unité et par accostage à Goma et à 10 $ US à Bukavu. Non seulement les propriétaires de ports privés payent chaque année la taxe supplémentaire de redevance annuelle portuaire de l'ordre de 450 $ US aux Transports et Communications mais aussi ils s'acquittent des impôts, des taxes parcellaires de la commune et supportent eux mêmes les frais d'entretien de leurs ports. Tout cela se déroule en foulant au pied l'arrêté n° 036/CAB/MIN/ECN/97 en son article 4, qui veut que la taxe de pollution ne peut être établie qu'après une enquête technique de routine visant à déterminer le degré de pollution. Et d'après le code de navigation fluviale et lacustre, la catégorie des bateaux en exploitation sur le lac Kivu ne donne pas lieu à quelconque degré de pollution qui dépasse les normes requises.

II. Les tracasseries

1. Usant de leurs armes, les militaires imposent des passagers clandestins sur les bateaux moyennant des petites sommes d'argent. Ce sont ces clandestins qui sont souvent à la base des désarrois sur le lac. Trois cas d'assassinat ont déjà eu lieu dans un bateau au port de Goma.
2. La police maritime figurante est souvent intimidée par les militaires de force navale et ce sont ces derniers qui autorisent finalement la sortie ou l'entrée de bateaux au port avec tout ce que cela entraîne comme exactions sur les pauvres congolais.
3. Les réquisitoires de familles militaires contribuent énormément au manque à gagner non seulement des entreprises mais aussi de l'Etat.
4. Malgré les instructions des différentes autorités délimitant le nombre de services opérant aux ports et aux beachs, il y en a toujours et de toutes les sortes, les uns contredisant les autres ou s'enchevêtrant. Cette pléthore d'agents incontrôlés est source de tracasseries et d'insécurité croissantes. Cela est d'autant vrai et très dangereux quand l'on sait que souvent le Commissaire maritime, celui-là même qui détient le journal de bord au départ d'un bateau déjà programmé, se plaît à se dissimuler. Inconscient, il sait pertinemment bien qu'un tel acte constitue une infraction, parce que pouvant être source d'insécurité provoquant ainsi des accidents et perturbations dangereuses.
5. Il arrive régulièrement que les agents commis au beach et port de bloquer brusquement un bateau déjà programmé et chargé quelques minutes avant la levée de l'encre. Le prétexte est toujours exprimé en terme des litiges ou le non paiement des taxes ou autres impositions illégales. Les passagers ainsi pris en otage, les armateurs soumis à cette autre forme de terrorisme fiscal sont obligés de se cotiser pour corrompre le donneur des ordres. Et dire qu'un bateau portant le pavillon (drapeau) d'un pays est un bien d'intérêt public et demeure sous la protection de l'Etat. En tant qu'opérateur économique, un armateur est doté d'un siège, d'une juridiction administrative, d'un port d'attache où peuvent avoir lieu des débats financiers sans tracasseries éhontées ou contraintes inconsidérées. L'armateur ne saurait pas fermer les portes de son établissement à cause d'une surtaxe si bien qu'il paye les taxes légales sans condition.
6. Des recommandations pour transport gratuit sont à la mode aux ports de Goma et de Bukavu. Les personnes recommandées ne voyagent même pas. Elles vendent leurs recommandations au port même selon un tarif lié à leurs petits besoins créant ainsi des guichets parallèle. En plus des voyageurs imposés aux armateurs, ces pratiques sont à la base des surcharges que l’on observe, causes de certains accidents.

CONCLUSION

Les armateurs du Lac Kivu tout comme leurs clients (la population) sont encore en pleine guerre. La vague de la libération et la réunification socio-économique est loin de les atteindre. A y voir de plus prêt, les armateurs supportent 45 espèces des taxes à payer indépendamment à Bukavu et à Goma par voyage, par trimestre, par semestre par an. Ces taxes sont ni moins, ni plus un viol, un pillage systématique de la petite économie chèrement acquise par les citoyens. Les tracasseries y afférentes, et les méthodes utilisées par leurs auteurs, constituent un bon terrorisme socio-économique. En effet, les voyageurs voguent avec des personnes à mille et une intentions, car on ne sait pas qui fait quoi et au service de qui ?

Les ministres savent pourtant bien que Kinshasa n'est pas la RDC et que le Lac Kivu fait partie des lacs de l'intérieur du pays où les activités commerciales et capacités des bateaux sont limitées, où les moyens financiers sont aussi limités. Le lac Kivu est en vase clos comparativement aux autres lacs et fleuves ouverts au monde extérieur. L'échelle des taxes devrait en principe être calquée à cette situation et par conséquent être revue et réadaptée aux réalités du milieu et de la population en guerre.

Nous invitons donc les autorités compétentes de la transition de sortir de la climatisation artificielle de Kinshasa et d’aller non seulement profiter de la fraîcheur naturelle et rajeunissante du Kivu mais aussi profiter de la même occasion pour trouver des solutions qui s’imposent à tous ces problèmes qui ont trop duré. La BOR, appuyant l’ASSALAK dans cette lutte contre le mal, exige :
- la suppression de toutes les taxes injustes, paupérisantes et ruineuses ;
- les ports et beachs soient démilitarisés ;
- la réhabilitation des la police des ports pour la protection des personnes et leurs biens ;
- la réparation des torts causés à la population ;
- la sanction des tortionnaires conformément à la loi.

En attendant que le Ministre de Transport réagisse dans le sens d’alléger la souffrance des populations du Kivu , ce dossier comme bien d’autres devra être soumis à la Commission Vérité et Réconciliation. Ainsi, espérons-nous, les auteurs de tous ces crimes économiques et humanitaires, répondront de leurs actes, demanderont pardon publiquement à la population et s’amenderont.